Frédéric Desmoulins (Codingame)

Tribune : Les raisons qui font qu’un développeur ne restera pas dans votre entreprise

Comment fidéliser ses développeurs ? Frédéric Desmoulins, Fondateur de Codingame, se penche avec brio sur la question…

Par Frédéric Desmoulins, Fondateur de Codingame

Frédéric Desmoulins (Codingame)
Frédéric Desmoulins (Codingame)

On sait à quel point il est complexe aujourd’hui de recruter des développeurs de talent. Trouver les compétences adéquates est le point de friction auquel aucune entreprise technologique n’échappe. Mais lorsque l’on parvient à embaucher un excellent élément, un autre problème se pose bien assez tôt : comment favoriser la cohésion de l’équipe, s’assurer que la nouvelle recrue va pouvoir s’épanouir au sein de l’entreprise, et y rester ? Dans une équipe R&D, chaque développeur est garant d’une connaissance riche à la fois des produits et de l’organisation, qu’aucune documentation ne saurait retranscrire.

La première question à se poser dans ce contexte est donc : quels ressorts est-on en mesure de mobiliser pour fidéliser ses équipes de développement ? Si les raisons qui motivent un départ sont multiples, quelques facteurs sont à appréhender pour éviter que le turnover ne vienne grever la dynamique d’une équipe technique.

L’absence de challenge

Alors que le métier de développeur est au cœur de tous les débats face à un manque prégnant de candidats sur le marché, les ressorts de motivation des développeurs demeurent mal connus, quand ils ne font pas l’objet de clichés rabattus. Le niveau de rémunération est considéré (à tort) par beaucoup d’entreprises comme principal facteur de fidélisation. Pourtant, même s’il représente un indéniable intérêt, le salaire n’est pas l’unique raison pour laquelle un développeur serait poussé à aller regarder si l’herbe est plus verte ailleurs. D’autres critères plus qualitatifs pèsent tout autant dans la balance pour se sentir bien au travail.

Parmi ceux-ci, le besoin d’être confronté à de nouveaux challenges. Bien sûr, l’attractivité des produits et des technologies sur lesquels les développeurs seront amenés à intervenir ne sont pas à négliger. Mais une tâche de routine sur la plus trendy des applications aurait aussi raison de la motivation de plus d’un programmeur. Apprendre de nouvelles choses et avoir le sentiment de progresser sont essentiels. La plupart des développeurs sont motivés à l’idée de résoudre des problèmes complexes (si possible en utilisant des technologies intéressantes), de mobiliser leur imagination et d’étancher leur soif apprendre. L’idée de challenger ses compétences, de faire des choix technologiques et de trouver des solutions innovantes fait écho à la part de créativité qui donne au métier son aspect passionnant.

Le manque de reconnaissance

Malgré ce, le métier de développeur souffre encore d’une image peu valorisante où la part d’ingénierie et d’imagination seraient réduites à la portion congrue au profit de l’exécution de tâches purement opérationnelles. Dans l’échelle de valeur d’une entreprise, les équipes de développement sont trop souvent reléguées au rang de ceux qui ne rapportent pas, contrairement aux équipes commerciales qui seraient elles directement génératrices de revenu. Or les développeurs, par leurs idées et leur créativité, sont au cœur de l’innovation des produits (et, cela va sans dire, l’innovation est un formidable levier de croissance). Savoir partager les décisions, donner une vision des objectifs stratégiques de l’entreprise, écouter les propositions, formuler des compliments, confier des responsabilités sur des projets sont des armes efficaces pour pallier le manque de sens qui conduit au désintérêt des équipes techniques.

La pression

Les équipes de développement sont soumises à une pression constante en termes d’objectifs, de délais, de livrables. Les heures s’accumulent le soir pour rentrer dans les deadlines. C’est souvent un excès de stress (conjugué à une perte de sens) qui conduit certains, à un moment de leur carrière, à changer complètement de voie. D’où l’importance de pouvoir dégager des phases de décompression où l’équipe pourra bénéficier de moments de détente collectifs. Une équipe soudée, qui s’apprécie, qui partage des choses en dehors du cadre strictement professionnel est une équipe qui avance et qui réussit. Pour un développeur qui a souvent peu d’interactions professionnelles directes avec l’extérieur, la satisfaction au travail tient beaucoup à l’ambiance et à la qualité des relations humaines dans son équipe.

Pour renforcer la cohésion, le tournoi de GTA 5 ou l’apéro-Wii auront plus de succès auprès d’équipes techniques que les traditionnelles solutions de team building (quid de la soirée œnologie ou de la course d’orientation). On peut aussi organiser des concours de programmation. L’idée est de s’appuyer sur les mécanismes de la gamification pour encourager l’entraide et l’atteinte de buts communs, en leur associant une expérience de jeu originale. Ces challenges, organisés jusqu’au bout de la nuit (de préférence en équipes pour favoriser les stratégies de coopération), permettent de vivre des expériences uniques, hors de tout cadre formel.

Conclusion

Il est difficile de donner une recette préconçue pour qu’un développeur se sente bien au travail. Mais l’enjeu de la fidélisation doit être considéré avec attention. Des solutions, souvent simples, souvent liées à davantage d’écoute, sont à la portée de toutes les structures. Elles impliquent de mettre en œuvre un management agile allié à une réelle stratégie de communication en interne.

 

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