Laurent Plantevin Arcante

Relations entre distributeurs et fournisseurs : comment bien négocier pour l’année 2013 ?

Laurent Plantevin, Président du groupe Arcante, spécialiste de la négociation professionnelle, revient sur les relations d’aujourd’hui entre distributeurs et fournisseurs et apporte ses conseils pour aborder les négociations de 2013.

Laurent Plantevin Arcante
Laurent Plantevin Arcante

Depuis la loi de Modernisation de l’Economie du 4 août 2008 (LME), les relations entre industriels et distributeurs se sont fortement tendues. La plus grande liberté de négociation donnée par la loi, ainsi que la mise en place de date-butoir ont exacerbé les rapports de force dans la négociation. De plus, la crise actuelle génère chez les distributeurs la nécessité d’avoir des prix bas alors que dans beaucoup de marchés les prix des matières premières sont inflationnistes.

Une relation conflictuelle mais interdépendante

Avec cette grande conflictualité, les relations entre distributeurs et fournisseurs se traduisent aujourd’hui par des positions initiales profondément divergentes.

Tout d’abord, pour les distributeurs c’est, comme l’année dernière, une position qui se résume en trois points : 0% de hausse de tarif ; amélioration des conditions commerciales accordées ; pas ou peu de formalisation de contreparties dans les accords passés. Pour les industriels, l’objectif est plutôt de « faire passer », dans un premier temps, une hausse des tarifs, puis d’endiguer coûte que coûte l’inflation des conditions commerciales accordées et de les assortir de contreparties tangibles.

Par ailleurs, et cela peut paraître paradoxal, les distributeurs et fournisseurs ont depuis quelques temps une grande interdépendance. En effet, la concentration accrue des industriels et des enseignes de la distribution rend difficilement tenable un conflit durable entre eux. Non seulement, les grands industriels disposent de nombreuses marques, appréciées des consommateurs et donc nécessaires pour les enseignes dans leurs assortiments, mais ce sont ces mêmes industriels qui fabriquent aussi pour les distributeurs les marque de distributeurs (ou MDD).

Même si l’on constate un processus de négociation accéléré qui accroît significativement la tension dans les négociations, et une nouvelle forme de radicalisation dans les méthodes utilisées, notamment par les distributeurs (utilisation d’ultimatum, exercice de menaces, mise en place de mesures de rétorsion), il devient difficile dans ce contexte de faire du conflit la stratégie centrale des relations entre fournisseurs et distributeurs.

Raymond Aron décrivait les relations américano-russe dans les années 60-70 par une formule célèbre : « Paix impossible, guerre improbable ». C’est cette formule qui paraît aujourd’hui mieux décrire les relations fournisseurs-distributeurs.

Négociations 2013 : une nécessité d’évolution dans les comportements

Afin d’aborder au mieux les négociations pour 2013, il est important pour les distributeurs, de faire évoluer leurs mode de pensée et d’action avec les fournisseurs. L’exercice du seul rapport de force dans les négociations n’est plus suffisant pour leur faire espérer l’atteinte de leurs objectifs.

L’utilisation de la menace dans les systèmes argumentaires et la mise en place de mesures de rétorsion constitueront de moins en moins des forces, mais des faiblesses à la table de négociation. Une menace n’est dissuasive que si elle est crédible et redoutable, une rétorsion n’est efficiente que si elle coûte moins à soi qu’à l’autre ! Ses règles de base sont de moins en moins vraies. Il convient donc pour les distributeurs d’envisager la table de négociation non pas comme un ring mais plutôt comme un échiquier : le meilleur n’y est pas le plus musclé ou le plus agressif, mais le plus habile et le plus calculateur.

Il faut aussi que ces derniers reviennent à une règle fondamentale de la négociation (et qui est aussi une exigence juridique dans la loi LME) : l’équilibre de l’accord. Le refus de toute formalisation de contreparties n’est en rien un avantage ; c’est à la fois un risque juridique pris et une défaillance de moyens pour bâtir un accord favorable à ses intérêts.

Enfin, pour les fournisseurs, il faut clarifier leurs objectifs. Trop souvent la hiérarchie commerciale génère des messages paradoxaux tels que « On ne cède rien sur les conditions commerciales mais il faut qu’on augmente notre référencement dans l’enseigne», ou « Il faut faire passer la hausse tarifaire mais il faut que cela se passe bien avec les distributeurs ». Ce ne sont pas des positions de négociation, au mieux des vœux pieux ! Ce faisant les négociateurs commerciaux arrivent affaiblis mentalement à la table de négociation.

Il faut aussi que les directions commerciales aient des comportements clairs qui les renforcent dans la négociation : ne pas céder aux menaces mais être prêt à des avancées si et seulement si elles sont équilibrées par des contreparties, ainsi qu’anticiper de manière froide et détaillé les conséquences de la mise en place de mesure de rétorsion par une enseigne.

A propos du groupe Arcante

Créé en 2000, Arcante est un groupe de cabinets de conseil et de formation proposant aux entreprises des interventions à haute valeur ajoutée dans le domaine de la négociation professionnelle. Le groupe Arcante intervient dans le but d’améliorer la qualité et la probabilité de conclusion des accords qu’une entreprise négocie avec ses partenaires commerciaux, sociaux ou financiers. Pour ce faire, Arcante dispose d’un ensemble d’outils, de méthodes, de techniques fiables et innovantes, qui lui sont exclusifs. Depuis sa création, le groupe Arcante est intervenu dans plus de 350 entreprises tant en France qu’à l’international.