Stéphane Nègre (Intel) : «2010 a été une année record et dynamique»

Intel vient de communiquer ses résultats pour le quatrième trimestre et l’année 2010. Un bon cru avec un chiffre d’affaires annuel à 43,6 milliards de dollars en hausse de 24% (+8,5 milliards) pour un résultat net de 11,7 milliards. Une année essentiellement portée par le marché des serveurs (+35%), les postes clients (+21%), les Atom et chipsets (+8%) et les autres architectures (+27%).

Le quatrième trimestre reste des plus satisfaisants à 11,5 milliards de chiffre d’affaires (+8%) malgré le ralentissement des activités grand public/postes clients, Atom et autre, sauvés par les 15% de progression du secteur serveurs. Des résultats très encourageants au final pour Intel qui nous donne l’occasion de revenir sur cette année exceptionnelle avec Stéphane Nègre, PDG de la branche française.

Avec 43,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, Intel affiche de nouveaux résultats record, en hausse de 24%. Comment expliquez-vous ce bon cru?

2010 est effectivement une année record avec un excellent quatrième trimestre qui fait suite à deux trimestres consécutifs également records en termes de chiffre d’affaires et de profitabilité. C’est effectivement le dynamisme du marché qui reste en forte croissance et a notamment été porté par le secteur professionnel, notamment avec une reprise sur la partie poste travail due au retour des investissements des entreprises en sortie de crise, mais aussi serveurs. Sur le quatrième trimestre, le segment produit qui a eu plus forte croissance est le data center, donc les serveurs. Cela s’explique notamment par la montée de la demande en utilisateurs et en contenus sur l’infrastructure Internet au sens large. Une demande qui fait que les entreprises de services, les fournisseurs de contenus, les opérateurs et autres acteurs des télécommunications ont continué d’investir massivement sur des capacités importantes. La tendance devrait se poursuivre, nous prévoyons que la demande continue d’augmenter. De notre côté, les nouvelles générations de processeurs Core i7/5/3 SandyBridge récemment disponibles pour les postes de travail vont couvrir le segment des serveurs à partir de la seconde moitié de l’année.

Quels sont les composants serveurs les plus demandés par le marché?

Sur la gamme de processeurs pour serveurs Xeon, nous avons deux familles : les serveurs de volume de la famille dual processeur 5000, et la famille 7000 qui vise plutôt le haut de gamme avec les serveurs multiprocesseurs. Le Xeon 7500 lancé en début d’année a notamment contribué à générer de la croissance mais au même niveau que Xeon 5000. Mais nous ne faisons pas de distinction particulière dans nos résultats sur les processeurs pour serveur.

En s’adressant aux besoins critiques, le Xeon 7500 est-il en train d’empiéter sur les gros systèmes des autres architectures, notamment Itanium?

Le Xeon 7500 a notamment répondu à l’évolution de la demande sur les calculs hautes performances (HPC). En novembre, le couple Wintel était peu présent au Top 10 des supercalculateurs (Top 500). Aujourd’hui, Intel est présent en 1ere et 3e positions, et en 6e avec le Terra 100 de Bull livré au CEA (commissariat à l’énergie atomique). Le marché du HPC représente une partie assez importante du marché des serveurs et le haut de gamme bascule sur les offres Intel. L’architecture Intel x86 est donc en progression sur les serveurs.

Le quatrième trimestre montre globalement une baisse de la consommation du grand public pour les machines traditionnelles (de bureau ou portables). Quels sont les atouts pour que la nouvelle génération de processeurs Sandy Bridge relance la demande?

Rappelons néanmoins que la baisse de la croissance sur le segment grand public des postes clients a été compensée par l’augmentation du marché professionnel, dans un trimestre traditionnellement fort en achats grand public. De plus, on reste sur un marché en croissance. Sur le notebook on bénéficie d’une croissance de 30% sur l’année. Ce n’est pas rien. Et malgré l’émergence de nouveaux facteurs de forme comme les tablettes, il n’y a pas de preuve de cannibalisation.
Sandy Bridge, on y croit. Les nouveaux Core amènent une nouvelle architecture qui apporte de nouvelles performances visibles par l’utilisateur notamment sur la compression vidéo HD que les gens effectuent de plus en plus. Contrairement à il y a encore quelques mois, la compression vidéo HD est devenu un usage « normal », qui facilite la mise en ligne des contenus. Sandy Bridge est le meilleur processeur qu’on n’ait jamais développé. Il intègre un processeur graphique (GPU), une intégration qui va permettre aux fabricants de proposer de nouvelles solutions, comme des laptops sans refroidissement et de nouveaux formats de machines. Sans parler de l’optimisation en termes de capacités et de coûts de production que l’intégration des coeurs CPU et GPU nous apporte à l’échelle industrielle. Tous ces éléments devraient nous permettre de transformer ces fonctionnalités en demande forte. En tout cas, les nouveaux processeurs, sortis il y a à peine une semaine, reçoivent déjà un excellent accueil de nos partenaires.

Le marché émergeant des tablettes se concentre sur les composants à base d’architecture ARM. De même, Microsoft a annoncé son intention de délivrer une version de Windows pour les ARM. Une architecture qu’Intel a abandonnée au profit de l’Atom x86. Sans regrets?

Il existe essentiellement un seul produit phare en matière de tablettes sur architecture ARM, l’iPad, et des annonces faites au CES. Mais nous allons annoncer une nouvelle génération de processeurs Atom, nom de code Oak-Trail, dédiée au monde des tablettes. Pas moins de 35 design de tablettes sont en cours de développement sous Oak-Trail, dont 10 démontrés au CES 2011… Le marché va se diversifier. Nous pensons que notre architecture garde l’avantage en termes de composants car nous bénéficions de la meilleure technologie silicium en matière de performances et de compatibilité x86. Ce qui est un avantage pour les développeurs et les utilisateurs puisque cela va leur permettre une continuité d’expérience du PC vers la tablette et les smartphones. 2011 devrait voir le décollage de l’Atom dans les tablettes. Après on verra comment réagit le marché en termes compétitifs. Mais nous sommes extrêmement optimistes sur ce point.

Quels sont les autres marchés de l’Atom?

Parmi les autres marchés importants, il y a la TV connectée et les décodeurs multimédia, les «box». Free a annoncé l’intégration d’un Atom CE4100 dans sa nouvelle génération de Freebox [la Revolution, NDLR],  une box assez révolutionnaire technologiquement permise par l’adoption de l’Atom, ce qui la rend quasiment compatible avec le PC. Bouygues Telecom a également sélectionné l’Atom CE4200 pour sa prochaine génération de Bbox. Et il y a une annonce également faite par Orange pour la Livebox. Cela montre les progrès significatifs de l’Atom dans les TV numérique. Dans ce cadre, la France est la vitrine mondiale des technologies IPTV.

2011… ?

Nous restons optimistes avec un 1er trimestre qui devrait bien démarrer puisque nous prévoyons un trimestre équivalent à celui du quatrième à 11,5 milliards de dollars [avec une variation possible de 400 millions, NDLR]. Or, habituellement, le premier trimestre est en retrait par rapport au quatrième par effet de saisonnalité. Cela montre que le marché reste dynamique et en croissance. Sur l’année, nous visons une croissance à deux chiffr
es du chiffre d’affaires. Ce qui nous permet d’investir plus sur nos capacités de production et de développement. Ainsi, alors qu’on opère aujourd’hui avec trois « megafab » [usines de production des composants, NDLR] en 32 nanomètres, nous passerons à 4 megafab lors du passage au 22 nano, sans impacter la capacité de production du 32 nano. Ce qui montre notre optimiste et justifie nos investissements.

(Propos recueillis par Christophe Lagane, Silicon.fr, le 14 janvier 2011.)