Sous pression opérationnelle, en tension sur les ressources humaines et confrontés à des clients plus exigeants, les prestataires IT doivent composer avec un quotidien de plus en plus tendu.
Cette réalité, largement partagée sur le terrain, a servi de point de départ à la plénière d’ouverture de la MSPCon 2025 organisée par BeMSP le 5 juin dernier à Paris. Thomas Bresse, CEO du distributeur spécialisé, et Frédéric Navarro, managing director de l’entreprise, y ont esquissé les grands axes de transformation à engager pour ne pas subir la mutation du secteur.
Des MSP sous tension : surcharge, volatilité et pression clients
« Très tôt le lundi matin, un premier incident : un ransomware qui va pénaliser un client, et qui met d’entrée énormément de stress sur les équipes », illustre Thomas Bresse, en ouverture de son intervention. Le ton est donné : les MSP ne manquent ni de clients, ni de chantiers, mais d’attention, de temps et de bras. La multiplicité des outils opérationnels alourdit la gestion quotidienne, génère des ressaisies et ralentit les temps de traitement. « Si je ne suis pas structuré, le temps que je recrute et que je forme, les délais s’allongent, la marge diminue, et la charge pèse davantage sur les équipes en place. », alerte-t-il.
Frédéric Navarro rappelle que cette situation se déroule paradoxalement dans un marché en pleine croissance. « Le marché mondial du MSP atteindra 600 milliards de dollars en 2025, avec une croissance annuelle de 13 % jusqu’en 2028 », avance-t-il, citant des chiffres de Canalys. Mais cette dynamique attire aussi de nouveaux entrants, plus agiles, avec des offres différenciantes et des stacks technologiques plus modernes. « Il y a de plus en plus de concurrence. Les nouveaux MSP creusent l’écart », prévient Thomas Bresse.
Il décrit une spirale où la réactivité constante, combinée au turnover des équipes, empêche toute forme de structuration et finit par dégrader la qualité de service comme la rentabilité. Cette logique réactive entretient une dette technologique croissante, où chaque outil ou processus non structuré repousse la mise à niveau des pratiques. À terme, cette dette freine l’automatisation, complique l’onboarding des nouveaux collaborateurs et creuse l’écart avec les MSP plus agiles
Automatiser, industrialiser, sécuriser : les leviers pour garder le cap
L’automatisation, au sens large, revient comme le principal levier d’amélioration. Qu’elle concerne la réduction des tickets de niveau 1, la génération de rapports client ou la maintenance prédictive, elle vise avant tout à éviter les ressaisies et les interventions manuelles sans valeur ajoutée. « L’IA permet de réduire le temps de diagnostic de 50 %, avec un impact direct sur la qualité de service et la marge », affirme Thomas Bresse. Il prend pour exemple les actions répétitives comme les resets de mots de passe ou l’accès à la documentation technique d’un client, souvent dispersée et difficile à transmettre aux nouveaux arrivants.
La cybersécurité constitue l’autre pilier devenu incontournable. Frédéric Navarro insiste sur la convergence entre IT et cyber, et la nécessité de proposer un guichet unique. « Aujourd’hui, la cybersécurité n’est plus une option. Elle est au cœur de l’offre, intégrée dès la base », tranche-t-il. Les clients attendent des prestataires qu’ils couvrent l’ensemble des besoins : infra, sécurité, support. La création de valeur passe désormais par cette capacité à réunir les briques techniques et organisationnelles dans une même proposition de service.
Quant à la scalabilité, elle devient un enjeu central dans un contexte de tension sur les ressources humaines. Thomas Bresse l’illustre ainsi : « L’idée, c’est qu’un MSP bien structuré puisse fonctionner efficacement avec quatre personnes pour gérer des milliers de postes ». Il souligne que la marge supplémentaire générée par ces gains de productivité revalorise l’ensemble de l’entreprise. Le recours à l’intelligence artificielle pour des fonctions comme l’analyse comportementale ou la maintenance prédictive devient accessible même aux structures de taille moyenne.
Sortir du statu quo : changer de culture pour rester dans la course
L’enjeu n’est plus uniquement technologique. Pour les deux dirigeants, la transformation repose aussi sur une évolution de la culture d’entreprise. « On ne se transforme pas sans l’adhésion des équipes », rappelle Frédéric Navarro, qui appelle à impliquer les techniciens dans l’amélioration continue. Il s’agit de faire remonter les problèmes récurrents pour y apporter des solutions structurelles. Un technicien qui réinitialise un accès pour la sixième fois devrait, selon lui, pouvoir proposer un processus d’automatisation.
Thomas Bresse insiste sur la nécessité de sortir des méthodes artisanales. « L’excuse tue la croissance », tranche-t-il. Trop de prestataires IT considèrent encore que leurs outils fonctionnent « bien assez », quitte à accuser le coup sur la productivité. Le modèle anglo-saxon est, selon lui, plus avancé sur cette logique de retour sur investissement : « Ils sont OK pour payer, s’ils savent que leur marge va augmenter de 30 % ». En France, ce rapport au changement reste plus frileux, ce qui peut ralentir l’évolution vers des modèles MSP plus robustes et pérennes. .
Cette plénière ramène donc à une question simple mais décisive : les prestataires IT veulent-ils subir ou reprendre le contrôle ? En proposant une formule d’évaluation de maturité, BeMSP invite les participants à cartographier leurs outils, identifier les points de friction, et enclencher une démarche de transformation structurelle. « Il y a un effort à faire pour suivre le rythme », conclut-il. Mais pour ceux qui s’en donnent les moyens, la technologie n’a jamais été aussi accessible pour industrialiser les services, renforcer la valeur client et retrouver une trajectoire de croissance durable.

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