Avec la montée en puissance des services managés, de plus en plus de revendeurs et infogérants engagent une réflexion sur l’évolution de leur modèle économique.
Laurent Chenion, président de Distri-Matic, partage pour ChannelBiz son expérience concrète : celle de la transformation amorcée dès 2014 dans son entreprise, vers un modèle MSP. Un entretien réalisé à l’occasion d’Eurabis Connect 2025, l’évènement annuel du groupement Eurabis, dont Distri-Matic est adhérent, et qui réunissait cette année 91 revendeurs et prestataires IT français.
Quel était le métier historique de Distri-Matic ?
Laurent Chenion : Distri-Matic a été fondée en 1987, à Dijon. À l’origine, c’était une société de distribution informatique traditionnelle, centrée sur la vente de matériel, sans offre de service structurée. Quand j’ai repris l’entreprise en 2014, elle était dirigée par son fondateur, qui était aussi mon ancien patron. La passation s’est faite dans un climat de confiance, avec une continuité naturelle.
L’entreprise était en bonne santé, bien implantée localement, et disposait déjà d’une équipe expérimentée. C’était un contexte propice pour racheter et reprendre l’activité, tout en réfléchissant aux évolutions à venir. La clientèle, composée majoritairement de petites entreprises et de collectivités, était fidèle, mais les attentes commençaient à changer. C’est ce qui m’a poussé à envisager une nouvelle trajectoire.
Quel élan avez-vous voulu donner à votre arrivée ?
J’ai très rapidement voulu faire évoluer le modèle. Ma conviction, c’est que la valeur réside avant tout dans le service. Quand le client a confiance dans la prestation de service, il suit naturellement sur le matériel. Cela nous libère de la pression du prix, surtout sur les appels d’offres. En nous positionnant d’abord du service, nous pouvons ensuite proposer les produits et les marques que nous choisissons, à des conditions qui nous permettent de marger correctement. Je préfère vendre un poste parce qu’il faut le changer dans le cadre d’un contrat, que de répondre à une demande de devis pour comparer les prix.
Quels étaient vos enjeux à ce moment-là ?
Le premier enjeu, c’était d’être crédible commercialement. Passer d’un modèle transactionnel à un modèle MSP, ce n’est pas qu’une affaire d’outils. Il fallait d’abord que nos clients acceptent cette nouvelle façon de travailler. Ensuite, il fallait être capable de tenir la promesse techniquement. Cela a pris du temps. J’ai mis quatre ans à faire évoluer l’entreprise. C’est le temps qu’il a fallu pour bâtir l’offre, adapter notre fonctionnement, et mettre à niveau les équipes.
Quelles ont été les premières étapes de cette évolution ?
Nous avons commencé par structurer nos outils. Aujourd’hui, nous utilisons Datto, notamment pour le ticketing et l’automatisation, avec Autotask. Sur la sécurité, nous avons fait le choix de travailler exclusivement avec Sophos. Nous avons d’abord déployé toute leur gamme, jusqu’à l’XDR. Aujourd’hui, nous sommes en train de monter une offre MDR, avec du SOC que nous commençons à proposer à certains clients. Ce sont souvent des clients avec plus de 50 postes. En dessous, la sensibilisation au SOC reste assez faible. C’est aussi pour ça que nous avons choisi d’adapter notre offre progressivement, en fonction du niveau de maturité des entreprises que nous adressons.
Avez-vous été accompagné dans cette période charnière ?
Ce virage, je ne l’ai pas fait seul. Passer au modèle MSP, ce n’est ni simple ni immédiat. C’est un changement profond, à la fois commercial, organisationnel et technique. Je reste convaincu qu’il ne faut pas hésiter à se faire accompagner dans cette transformation. C’est en tout cas le choix que j’ai fait à ce moment-là. BeMSP a été un point d’appui structurant. Ils m’ont aidé à mieux comprendre les enjeux du modèle MSP, à identifier les bons outils, et à adopter une méthode adaptée à notre taille.
De leur côté, le cabinet NDNM nous a soutenus sur l’élaboration de l’offre commerciale : comment la rendre lisible, comment valoriser le service, comment construire un discours cohérent pour nos clients. J’ai aussi beaucoup appris par l’échange avec d’autres prestataires. Pouvoir confronter nos approches, partager ce qui fonctionne ou non, ça a été déterminant pour garder le cap. Dans cette logique, le groupement Eurabis a également joué un rôle important.
Justement, quel rôle joue le groupement Eurabis dans votre développement ?
Nous avons adhéré à Eurabis en 2012, à une période où l’activité de Distri-Matic reposait encore largement sur la vente de matériel. Le groupement nous a permis de gagner très vite en visibilité et de nous appuyer plus efficacement sur des acteurs majeurs comme HP ou Terra, ce qui n’aurait pas été possible seuls, à notre échelle.
Aujourd’hui, Eurabis joue pleinement son rôle en encourageant les échanges entre adhérents, en facilitant les partages d’expériences concrets et en nous donnant accès à de nouveaux éditeurs et solutions IT. Le groupement accompagne désormais plus activement ses adhérents dans leur évolution, en mettant l’accent sur la cybersécurité et les services managés. Nous avons vraiment pu le constater lors de notre convention annuelle 2025, Eurabis Connect.Haut du formulaire
À quoi ressemble votre activité aujourd’hui ?
Nous sommes 13 personnes, basés à Dijon, et nous rayonnons dans un périmètre routier autour de la ville. Nous faisons environ 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, notre activité est répartie à 50/50 entre le matériel et le service. Mon objectif est d’atteindre 80 % de services. Nous travaillons principalement avec des PME, des TPE et des collectivités locales comme des mairies ou des communautés de communes. La taille moyenne de nos clients est autour de 10 – 20 postes, et peut monter jusqu’à 200 postes,
Que dites-vous aux revendeurs qui hésitent encore sur la voie à suivre ?
Je comprends que ce soit difficile. S’engager dans une transformation vers un modèle MSP, ce n’est pas évident, surtout quand on a une activité historique très ancrée dans la vente de matériel. Passer le cap demande du temps, de l’énergie, et une remise en question en profondeur. J’y suis passé, je sais ce que ça implique. Mais avec le recul, je suis convaincu que c’est la voie à prendre.
Le service apporte de la valeur, de la stabilité, et permet de sortir de la guerre des prix. Je n’ai pas de vérité universelle à imposer, chacun avance à son rythme, selon sa structure, son marché. Mais plus tôt les prestataires s’engageront dans cette réflexion, plus ils auront de chances de faire évoluer leur modèle de manière sereine. C’est un processus, pas un basculement immédiat. Et il vaut mieux le démarrer maintenant que de subir les conséquences plus tard.
Portrait : à la rencontre d’Henri Clément, nouveau président du groupement Eurabis
Propos recueillis par Guilhem Thérond, rédacteur en chef de ChannelBiz.
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