Si le modèle MSP séduit sur le papier, sa mise en œuvre soulève rapidement des questions concrètes : Comment gérer la transition depuis un modèle réactif ? Quels outils choisir pour automatiser sans dégrader la qualité de service ? Mais parfois aussi : comment se positionner face à des clients historiques non alignés avec cette nouvelle approche ?
Fabien Lebret, fondateur et dirigeant de Faciliteam, revient sur les étapes de structuration de son entreprise autour d’un modèle 100 % MSP, les choix technologiques effectués pour l’opérationnaliser, et les résistances qu’il rencontre encore sur le terrain.
Pourquoi avez-vous créé Faciliteam ?
Fabien Lebret : J’ai lancé Faciliteam en 2014, après avoir travaillé dans l’infogérance depuis 2008. À l’époque, je voulais déjà construire un modèle basé sur la proactivité. Même si nous ne parlions pas encore de MSP, nous fonctionnions déjà sur la base de forfaits illimités.
Dès le début, j’ai proposé des prix par poste et par serveur, parce que je ne voulais pas faire uniquement du réactif. Vendre des heures, cela ne me paraissait pas viable. Ce qui m’importait, c’était d’accompagner les PME et collectivités locales avec une approche préventive, structurée, où l’on pouvait vraiment s’engager sur la continuité de service.
Comment votre activité a-t-elle évolué, depuis ?
Notre modèle s’est affiné au fil du temps. Nous avons commencé par des contrats de maintenance, puis nous avons intégré davantage de services dans le forfait. L’objectif était de tout inclure, sans logique d’épicerie. À partir de 2021, nous avons franchi un cap : nous avons arrêté les prestations ponctuelles et les clients qui n’étaient pas prêts à entrer dans cette logique.
Cela ne s’est pas fait en une nuit, mais progressivement, en révisant nos offres et en expliquant notre modèle. Aujourd’hui, le modèle MSP structure l’ensemble de notre activité, même si certains collaborateurs interviennent encore ponctuellement en régie, notamment pour des demandes clients spécifiques.
Quels ont été les jalons importants de votre développement ?
Nous avons racheté ABC Informatik en 2021, d’abord partiellement, puis totalement. Je connaissais déjà le dirigeant. À un moment, ils m’ont contacté en prévision d’un départ en retraite et du départ de leur directeur technique. L’entreprise était deux fois plus grosse que nous à ce moment-là, et positionnée de manière plus traditionnelle, très réactive dans sa façon de fonctionner.
Il a donc fallu intégrer l’équipe, fusionner les structures et surtout, les convertir au modèle MSP. Cela a impliqué de revoir les outils, la manière de facturer, le discours client. Ce n’est pas uniquement une histoire de technologie, c’est aussi une culture à transmettre. C’est ce que nous avons fait en réintégrant leurs offres et en les alignant sur nos standards.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous avons fait le choix d’un modèle forfaitaire intégrant l’ensemble des services : supervision, EDR, support, etc. Cela permet de garantir une cohérence technique et un bon niveau de sécurité. Mais cela implique aussi un prix par poste plus élevé que ce que peuvent proposer certains prestataires.
C’est un positionnement que nous défendons auprès de nos clients, celui d’élever le niveau de sécurité, à un niveau qui nous parait adapté aux enjeux et aux risques actuels. Nous sommes une vingtaine de collaborateurs désormais, et nous accompagnons environ 150 clients. Nous réalisons entre 2,5 et 3 millions de CA par an.
Justement, comment vos clients ont-ils perçu cette évolution ?
Nous avons passé beaucoup de temps à leur expliquer les tenants et aboutissants de notre approche, et c’est normal. La plupart nous suivent, et en sont très satisfaits. Il arrive bien sûr que certains clients trouvent nos prestations trop chères, et préfèrent se tourner vers d’autres prestataires, vers des solutions plus limitées, donc. C’est un choix de leur part, qui implique qu’ils n’auront pas le même niveau de service, ni les mêmes garanties. Un choix qu’il faut respecter.
À l’inverse, nous n’hésitons pas non plus à nous séparer de clients qui refusent d’investir et qui représentent donc un risque d’attaque trop important. Si un client n’adhère pas à notre modèle, nous choisissons de ne pas poursuivre la collaboration. Nous assumons pleinement cette logique : si nous voulons maintenir le niveau de qualité qui nous paraît nécessaire, nous devons aussi nous assurer que les clients ont la capacité de suivre. Cela dépend aussi des interlocuteurs avec lesquels nous échangeons.
Quels sont ces profils d’interlocuteurs que vous rencontrez, et en quoi cela influence-t-il leur perception des enjeux cyber ?
Nous rencontrons majoritairement deux types de profils. Quand nous parlons directement au dirigeant, il y a souvent une conscience plus forte des risques. Il a vu passer des cas concrets, il comprend ce que peut lui coûter une faille de sécurité. À l’inverse, lorsqu’il s’agit de DAF ou de RAF dans des structures un peu plus grandes, la logique est davantage comptable. Ces profils-là , en raison de leur priorisation évidente des contraintes budgétaires peuvent être amenés malheureusement à sous-estimer les risques cyber, parce qu’ils ont d’autres objectifs, notamment financiers.
Heureusement, la réglementation pousse aussi les entreprises à se mettre en conformité : RGPD, NIS2, ou encore les exigences du secteur financier. Nous avons de plus en plus de demandes d’audits, et certains clients nous contactent parce qu’ils doivent eux-mêmes auditer leurs prestataires. Cela dit, il reste encore un certain nombre d’entreprises qui ne veulent pas en entendre parler, et là, c’est plus compliqué. Dans notre métier, les nouveaux clients arrivent souvent sur recommandation ou après un premier incident, une première alerte. Ils réalisent brutalement qu’il faut professionnaliser leur approche.
Sur quelle plateforme Cyber vous appuyez-vous ?
J’utilise WatchGuard depuis 2008. C’est un choix historique, que nous avons poursuivi avec Faciliteam. Aujourd’hui, nous utilisons leur gamme complète : firewalls, EDR, MDR et 2FA. Lors de l’intégration d’ABC Informatik, qui fonctionnait principalement avec une plateforme concurrente, nous avons basculé progressivement l’ensemble des clients vers WatchGuard pour unifier notre parc.
Ce que j’apprécie particulièrement, c’est l’intégration complète de leurs solutions dans une seule console. Cela nous fait gagner du temps, et cela limite les erreurs. Mais au-delà de la technique, il y a un vrai aspect humain : je peux échanger directement avec deux avant-ventes, et même avec Pascal le Digol, leur country manager, si besoin. Pour prendre un exemple, nous avons déjà remonté des bugs aux États-Unis, et nous avons toujours été tenus au courant. C’est rare. Chez beaucoup d’autres fournisseurs, si vous ne faites pas un million par an, personne ne vous parle. Ce n’est pas le cas ici, et cela compte beaucoup dans notre choix.
Quels sont les autres outils qui soutiennent aujourd’hui votre modèle MSP ?
Nous utilisons Datto RMM, Autotask et ITGlue pour la documentation. Toute cette stack est achetée via BeMSP, qui est le distributeur de Datto en France. Nous avons choisi ces outils pour automatiser au maximum, gagner du temps et centraliser nos opérations. Côté matériel, nous essayons de limiter le nombre de fournisseurs pour ne pas nous disperser. Ce modèle n’est viable que si l’on arrive à industrialiser une partie des tâches et à garder une certaine homogénéité dans les environnements clients.
Propos recueillis par Guilhem Thérond, rédacteur en chef de ChannelBiz.
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