Le marché du mobile : le bouleversement des règles du jeu – Le web est-il vraiment mort ?

Par Xavier Paulik, CEO de Tiki’Labs

Apple dépassé sur le terrain ?

Jusqu’à cet été, la situation paraissait simple et la messe presque dite : Apple, avec son iPhone, fédérait les médias et écrasait la concurrence. La sortie de l’iPad marquée par un keynote historique de Steve Jobs, la rupture de stock opportunément organisée dès son lancement ainsi que l’arrivée de l’iPhone 4, rendant pour la première fois palpable la promesse de la visiophonie … tout concourrait à asseoir l’hégémonie de l’iPhone, qui a éduqué le marché, et a fini par convaincre le grand public de franchir le pas des forfaits illimités sur téléphone, malgré un prix encore élevé.
Cependant, depuis quelques semaines, Apple a été détrôné dans les ventes de smartphones en France. Notamment au profit de deux grandes puissances, l’une du marché de la téléphonie, l’autre du marché de l’Internet. 

Samsung, leader des ventes en France

Avec le Wave, Samsung a en effet supplanté en quelques semaines Apple en termes de ventes, d’abord sur la catégorie des smartphones, puis sur l’ensemble des téléphones. Les clés de son succès ? Samsung a réussi à créer une synergie avec les opérateurs, ce qui lui a assuré une distribution exceptionnelle et lui a permis d’élargir considérablement le public cible. Inspiré de l’iPhone mais à un prix moindre, le Wave contient, certes, moins d’applications dans son store, mais il permet une navigation Internet mobile au moins équivalente.

La dynamique Android

Avec Android, son propre système d’exploitation, Google est l’autre grand rival d’Apple révélé cet été. Après des débuts timides, les constructeurs et opérateurs ont lancé une large offensive Android, en s’associant parfois dans des campagnes de communication très efficaces notamment aux Etats-Unis (Verizon et Motorola pour le Droid notamment).

Et les résultats sont là : les premiers smartphones en mesure de concurrencer l’iPhone ont enfin fait leur apparition (HTC Evo, Samsung Galaxy S) et ont aisément trouvé leur public. Samsung annonçait ainsi avoir vendu 5 millions de Galaxy S dans le monde en 45 jours et vise 25 millions de smartphones vendus en 2010. Le store concurrent d’Apple (Android market) contient déjà près de 100.000 applications (contre bientôt 250.000 sur l’Apple store). 

Le pari osé de Microsoft

Si la majorité des acteurs parie sur Android et se contente de le décliner en ajoutant leur propre interface graphique, Windows avec son Windows Phone choisit une approche radicalement différente. Grâce à son implantation dans les entreprises, une compatibilité sans faille avec les applications PC et une ergonomie entièrement nouvelle, Windows espère reconquérir les clients hauts de gamme, notamment les professionnels.
Un pari non seulement osé, mais risqué, l’iPhone ayant déjà créé des habitudes et placé la barre haut en termes d’ergonomie.

Les autres acteurs en embuscade

Nokia et RIM (Blackberry) dominent toujours le marché des téléphones classiques. Blackberry semble trouver une seconde jeunesse Outre-Atlantique avec le Blackberry Curve, tandis que l’alliance de Nokia avec Intel devrait lui permettre de pousser son nouveau système d’exploitation « Meego ».       

Editeurs et utilisateurs vont-ils suivre ?

Apple, Android, Samsung – Bada, Blackberry, Windows Phone, et bientôt Meego … et autant « d’application stores » sans compter ceux des opérateurs et des indépendants : le consommateur ne risque-t-il pas de s’y perdre ? Le même casse-tête existe pour les éditeurs de contenu et les entreprises : sur quelle plateforme investir ? Quelle audience cibler ? Pour quel retour sur investissement ?

Face à cette complexité, les éditeurs et les utilisateurs ne vont-ils pas in fine privilégier les « dénominateurs communs » qu’ils retrouveront à coup sûr d’un modèle à l’autre ? Et donner raison à Google qui prône depuis longtemps, avec son système Android, les « web applications » disponibles sans aucun téléchargement et (presque) compatibles avec toutes les plateformes ? Ainsi, avec l’entrée en lice des nouveaux constructeurs et des systèmes concurrents à Apple, c’est potentiellement tout le modèle d’usage qui pourrait se trouver bouleversé.

Le web mobile supplantera-t-il les applications ?

En réponse à la multiplication des plateformes, va-t-on assister au retour en force de l’Internet « ouvert » sur mobile ?Même sur un système unique comme l’iPhone, les utilisateurs ont déjà de plus en plus de mal à s’y retrouver au sein de centaines de milliers d’applications. Ils tolèrent de moins en moins le contenu web mobile encapsulé sous forme d’applications, alors que les navigateurs mobiles récents permettent de retrouver un confort de lecture équivalent. 

Plusieurs études récentes semblent aller dans ce sens, en guise de réponse à Chris Anderson qui prophétisait cet été « la mort du web » au profit des applications.L’étude Orange – TNS Exposure 2010 indique ainsi que 70% des internautes anglo-saxons (ou britanniques) préfèrent consulter du contenu média depuis le navigateur internet mobile plutôt qu’au travers des applications. Parallèlement, une autre étude (commanditée par Adobe) indique que 80% des entreprises envisagent de créer un site mobile contre seulement 8% qui souhaitent créer uniquement une application mobile.

Une nouvelle page se tourne, riche en rebondissements

Incontestablement, les semaines à venir vont être déterminantes et marquent une nouvelle étape dans l’évolution du monde mobile. Il va être particulièrement intéressant de vivre le succès (ou l’échec) des initiatives de Samsung et de Microsoft qui attaquent de front le géant Apple, et suivre en parallèle l’évolution des usages et la compétition entre applications et Internet mobile.