Intel et son abus de position dominante : énorme amende de la Commission Européenne

Dur, dur, pour Intel : la Commission européenne a mis ses menaces à exécution et vient d’infliger une amende de 1.060.000.000 d’Euros à Intel pour infraction aux règles antitrust du traité CE relatives à l’abus de position dominante (article 82). Une condamnation qui évoque le recours de la part d’Intel à des pratiques anticoncurrentielles illégales visant à exclure les concurrents du marché des processeurs « x86». Jugeant de plus que ces pratiques ont toujours cours, la Commission ordonne à Intel de mettre immédiatement un terme à ses pratiques illégales.

Pour la commission, Intel a recouru depuis plusieurs années à deux formes spécifiques de pratique illégale. Premièrement, elle accordait des remises intégralement ou partiellement occultes aux fabricants d’ordinateurs à la condition qu’ils lui achètent la totalité ou la quasi-totalité des processeurs x86 dont ils avaient besoin. Intel a aussi effectué des paiements directs en faveur d’un grand distributeur à la condition qu’il ne vende que des ordinateurs équipés de processeurs x86. Et la Commission d’en conclure que ces remises et paiements ont effectivement empêché les clients – et, en fin de compte, les consommateurs – de se tourner vers des produits alternatifs.

En outre, Intel a – selon la Commission – effectué des paiements directs en faveur des fabricants d’ordinateurs dans le but d’arrêter ou de retarder le lancement de produits spécifiques contenant des processeurs x86 de concurrents et de limiter les circuits de vente utilisés pour ces produits. La Commission a estimé que ces pratiques constituaient, de la part d’Intel, des abus de position dominante sur le marché des processeurs x86, lesquels ont porté préjudice aux consommateurs dans l’ensemble de l’EEE. « En réduisant la capacité des concurrents à se livrer concurrence par la qualité intrinsèque de leurs produits, explique le communiqué officiel, les agissements d’Intel ont porté atteinte à la concurrence et à l’innovation. La Commission surveillera activement le respect de la présente décision par Intel. »

Pour Neelie Kroes, commissaire chargée de la concurrence: «Intel a causé du tort à des millions de consommateurs européens en cherchant délibérément à exclure les concurrents du marché des puces informatiques pendant des années. Une infraction aussi grave et d’une telle durée aux règles antitrust de l’UE ne peut être tolérée».

Le communiqué va plus loin en donnant le nom des fabricants d’ordinateurs concernés par les « agissements » d’Intel : Acer, Dell, HP, Lenovo et NEC. Quant au distributeur concerné (puisqu’il y en a un), il s’agit de Media Saturn Holding, propriétaire de la chaîne MediaMarkt. La Commission indique que certaines remises ont pu entraîner une baisse des prix pour les consommateurs. Mais que,  lorsqu’une entreprise occupe une position dominante sur un marché, les remises subordonnées à l’achat d’une quantité moins élevée de produits de concurrents ou à l’interdiction pure et simple d’en acheter sont abusives conformément à une jurisprudence constante des juridictions communautaires, à moins que l’entreprise dominante ne puisse avancer des raisons spécifiques justifiant leur application dans des cas bien précis.

Dans sa décision, la Commission dit contester, non pas les remises en elles-mêmes, mais les conditions auxquelles Intel les a accordées. Les fabricants d’ordinateurs étant dépendants d’Intel pour une grande partie de leur approvisionnement en processeurs x86, seule une partie limitée de leurs besoins pour ces produits est ouverte à tout moment à la concurrence.

Evoquant l’impossibilité faite à AMD de concurrencer efficacement Intel sur son marché, la Commission cite en exemple le fait qu’Intel a offert gratuitement un million de processeurs à un fabricant d’ordinateurs déterminé. Si ce dernier les avait tous acceptés, il aurait perdu la remise d’Intel sur les millions de processeurs qu’il devait encore acheter et aurait été lésé pour le simple fait d’avoir accepté cette offre hautement concurrentielle.
Au bout du compte, le fabricant d’ordinateurs n’a accepté gratuitement que 160 000 processeurs. Et la Commission de dire que les remises accordées par Intel « ont compromis la capacité des fabricants concurrents d’affronter la concurrence et d’innover, ce qui a contribué à réduire les possibilités de choix pour les consommateurs. Des remises telles que celles appliquées par Intel sont jugées, dans de nombreux territoires à travers le monde, anticoncurrentielles et illégales parce qu’elles ont pour effet pratique de priver les consommateurs de la possibilité de choisir les produits dont ils ont besoin. »

Rappelons que l’enquête de la Commission a fait suite à des plaintes déposées par AMD en 2000, 2003 et 2006 (la dernière ayant été adressée à l’autorité allemande de la concurrence et ensuite examinée par la Commission européenne). La décision de la Commission fait suite à une communication des griefs adressée en juillet 2007, une communication des griefs complémentaire adressée en juillet 2008 et une lettre envoyée à Intel en décembre 2008 contenant d’autres éléments factuels se rapportant à la décision finale.

* AMD s’est félicité de l’annonce en envoyant la version anglaise du communiqué de presse à l’ensemble des rédactions du secteur, et en transmettant aussi le communiqué se réjouissant de la décision européenne et troussé par UFC Que Choisir (mais bizarrement d’abord reçu via l’agence de presse d’AMD).