Gérard Bouhanna, Directeur des opérations d’OKI Printing Services : « Dans le domaine professionnel ce qui compte c’est le besoin, pas l’envie ».

Channel Insider France – Quelle est la situation actuelle d’OKI ? Résistez-vous correctement aux effets de la crise économique mondiale ?

Gérard Bouhanna – Nous avons la chance d’avoir toujours été orientés sur le marché business. On travaille le segment B2B depuis très longtemps avec nos lignes de produits et le « mid market » depuis très longtemps aussi. Les très grosses affaires et les grands comptes qui étaient de très gros générateurs de volumes pour certains de nos confrères s’étant taris avec la situation économique, on a été au contraire relativement peu affectés sur nos lignes de produits lasers sur ce type de segments, car notre cible principale étant essentiellement le « mid market », les affaires moyennes pour nous c’est quatre, cinq ou six pièces. Vu les tarifs pratiqués, cela reste des investissements tout à fait supportables.  Là où nous avons le plus souffert, et c’est intimement lié à la qualité de nos produits, c’est sur le segment des imprimantes matricielles où les renouvellements prévus ne se sont pas faits puisque les produits fonctionnaient toujours bien. De nombreuses entreprises ont donc continué à les utiliser 3, 6 voire 18 mois de plus que ce qu’elles avaient prévu de le faire initialement.

Ca représente toujours un marché important chez OKI, les matricielles ?

Oui, nous sommes atypiques, puisque sur un marché qui pèse au global 60 000 pièces, on en livre encore entre 15 000 et 20 000 par an ! On reste, avec Epson, le spécialiste de ce genre de produits dont sont friands les administrations, les entreprises de transport routier, les pharmacies, le transport aérien, etc. Si nous avons souffert un peu sur la fin de l’année civile 2008, on sent que ça repart un peu dans ce domaine. Pour en revenir à la situation globale et mondiale, je dirais que la situation est identique dans beaucoup de pays qui ont un profil ressemblant à la France. Pour l’Angleterre et l’Espagne, la situation est beaucoup plus compliquée du fait que la crise économique les a frappés, plus que d’autres, de plein fouet. Mais globalement, on ne s’en sort pas trop mal… Nous n’avons pas eu à décider de plan de réduction d’effectifs importants, comme certains de la high-tech au Japon, ou dans l’automobile. Nous nous sommes contentés, si on peut dire, de ne pas renouveler les contrats temporaires, CDD ou intérimaires.

Au-delà des matricielles dont on vient de parler, que peut-on dire de la spécificité d’Oki sur le marché de l’impression ?

De manière assez simple, on peut dire d’OKI : le spécialiste du document imprimé dans l’entreprise vendu à travers un réseau de professionnels pour les professionnels. C’est clairement notre image. Maintenant, j’irais plus loin en disant que ne se limitent plus au document imprimé puisque nous avons une gamme de multifonctions et donc tout un traitement de l’image et du texte à destination des professionnels.

Vous avez des accords OEM pour toute la partie qui ne concerne pas spécifiquement l’impression ?

Sur toute la partie couleur, toutes les technologies utilisées nous appartiennent même si, côté scanner, on fait comme les autres : on achète les moteurs à des fabricants de scanners et on les intègre avec nos contrôleurs et tout ce qui va bien autour. Pour le reste c’est à nous. Il ne faut pas oublier qu’OKI a été un grand spécialiste du fax pendant de nombreuses années : donc par exemple la technologie de fax intégrée à nos produits c’est quelque chose qu’on maitrise bien.
Sur les modèles monochromes, nous avons eu des accords OEM pour vendre des multifonctions pas fabriquées par nous. Et des choses nouvelles sont à venir… Le concept est que derrière chaque produit mono fonction, on développe la gamme multifonctions correspondante. On va s’attarder sur deux segments : des entreprises qui vont vouloir des flottes ou des volumes (comme les collectivités locales  par exemple) mais on va aussi continuer à adresser notre cible SMB avec là des gens qui vont vouloir une bonne qualité d’impression laser noir et blanc, mais avec le multifonction en plus, le fax, le copieur et tout ce qui va avec. On aura donc le pendant et la déclinaison. 

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Vous avez justement, tout récemment, rafraichit vos gammes de multifonctions. Que peut-on dire de plus sur la stratégie produits que vous poursuivez ?

En matière de stratégie produits, nous allons continuer de concevoir des produits toujours centrés sur les besoins des professionnels en développant de nouvelles fonctionnalités à l’intérieur car on s’aperçoit de l’apparition d’une nouvelle segmentation dans l’entreprise. Sur les plus de 3 millions d’entreprises en France, une très large majorité sont de toutes petites structures (de 0 à 9 salariés). Et ces structures ont un comportement d’achat à la limite équivalent à celui du consommateur grand public. On leur a trouvé un petit nom sympa, un mix à l’anglaise, vu que cela reste des professionnels qui consomment comme des consommateurs traditionnels : les « prosumers ».  Pour nous, cela signifie que s’adresser à cette clientèle il s’agit forcément d’intégrer à nos produits des fonctionnalités de simplicité, aussi bien pour ce qui concerne l’utilisation que dans la rationalisation du nombre de références et de canaux qui vont être amenés à les distribuer pour cette cible-là. Et on pense principalement aux canaux qui vont être les plus puissants pour cette cible : les canaux Internet. Développer des produits aujourd’hui c’est bien sûr imaginer en termes de technologies, mais on y met aussi une couche clients et utilisateurs, afin qu’ils soient simples à l’usage mais aussi facilement « achetables » (produits et consommables).

Vous avez introduit dans vos solutions un soupçon de GED ?  

Pour l’instant non, car pour être tout à fait honnête, à chaque fois qu’on en parle à la catégorie de clients qu’on adresse, ils nous disent qu’ils ont une utilisation limitée de la GED. Je dirais que s’ils font du scan to email c’est déjà pour eux faire en quelque sorte de la GED. Ca ne va pas plus loin dans l’immense majorité des cas. Les investissements à consentir pour mettre vraiment les deux pieds dans la GED ne se justifient pas pour l’instant compte tenu de leur taille, encore une fois sur la cible principale que nous adressons. Mais il est évident que dans la réflexion que nous avons sur nos prochains line-up produits, il y aura des références qui intégreront nativement des fonctionnalités de GED. Nous pensons que les solutions vont se démocratiser, vont devenir de moins en moins chères, donc le marché va être demandeur. Pour nous c’est quelque chose qui devrait vraiment se déclencher d’ici 3 à 5 ans.  

Y’a-t-il dans votre gamme des segments voués à disparaitre ?

Pas nécessairement, car nous avons toujours adressé le segment professionnel. Dans ce cadre, le facteur clé ça va être le besoin et pas l’envie. Quelqu’un qui a besoin d’imprimer des factures va être en quête d’un produit adapté qui lui permette d’imprimer ses factures. A brève échéance, je ne vois pas la disparition de la technologie d’impression laser ou même matricielle, pour des besoins divers. J’ai aussi vu passer une note de François Fillon, adressée à ses ministres, qui demandait pour des raisons économiques et écologiques ne plus commander de produits jet d’encre. Même si cela devait arriver, ce dont je doute un peu, on ne serait pas impacté
par ce genre de choses, c’est certain… Nous n’avons pas dans nos gammes, de produits pas chers, à 50 euros, qui embêtent tout le monde sauf les gens qui comptent dessus pour faire des prix d’appel. Nous ne savons pas faire ce genre de produits. Si vous faites allusion à ce qu’a annoncé Lexmark, nous n’avons pas du tout le même profil…

Tout récemment vous avez lancé les MC860 et MC560. Quels sont les avantages concurrentiels réels de ces produits par rapport à ce qui existe par ailleurs sur le marché ?

Pour le MC860 d’abord, c’est extrêmement clair : c’est un produit dont le concept est unique et seulement disponible chez OKI. Il s’agit d’un multifonction A4/A3 avec des spécifications haut de gamme sur un produit qui n’existe pas chez nos confrères. Grâce à notre technologie LED qui est compacte, le cœur du produit n’est pas plus grand qu’un produit A4, puisqu’il fait à peine 2,5 cm de plus que la moyenne des produits A4. Donc, une grande compacité, ce n’est pas cher et ça présente des performances extrêmement professionnelles. Pour vous donner un ordre d’idée, le modèle le plus haut de gamme de la série (recto-verso, tous les bacs, garantie 3 ans, etc.) coûte 3.990 euros. Un produit de ce type-là, à ce prix-là, ça n’existait pas jusqu’ici…  Nous l’avons fait. On donne ainsi accès à un multifonction A4/A3 partageable à des petites entreprises. Les trois problèmes qu’elles rencontraient jusqu’ici étaient : le tarif à l’achat, la taille du produit et tous les coûts de maintenance liés. Aujourd’hui, on leur apporte LA réponse qui correspond exactement à leur besoin, avec prix, performances et compacité.  En outre, en achetant ce produit-là, à ce prix-là, ils héritent d’une garantie 3 ans intégrée dans le produit !

S’agissant de la MC560, qui est une version A4 avec exactement le même moteur que la version imprimante (série 5000) mais en multifonction. On adresse une cible de clientèle qui a besoin d’imprimer en A4 couleur, mais qui aussi besoin de fonctions Copie,  Scanner et Fax. Le MC560 est plus segmenté par le type de distribution que par le type d’utilisateurs (il est plus vendu par nos revendeurs bureautiques).

Vous avez lancé en février l’offre OKI Page+, que vous présentiez alors comme une alternative à la crise pour les petites et moyennes structures. Pouvez-nous revenir sur les concepts et le fonctionnement de cette offre ? 
Quelques mois après, quels sont vos premiers enseignements de ce programme ?

Premièrement, le concept. Le concept est très clair. Il s’agit aujourd’hui de permettre à des entreprises qui veulent contrôler leurs coûts d’impression ou au moins fixer une ligne directrice de budget. L’offre Page+ veut répondre à ce besoin. Faisons le parallèle avec quelque chose que tout le monde connait aujourd’hui : la téléphonie mobile. Tout le monde à un téléphone portable avec un forfait (par exemple un forfait 3 heures et 100 SMS). Quand on a téléphoné moins les minutes sont reportées.  Quand on a téléphoné plus, on peut se faire facturer en plus ou les déduire du mois suivant. Et bien là l’analogie est bonne. Le principe de Page+ fonctionne pareil : un montant fixé par mois qui comprend la machine, les services (installation, formation, garantie), la livraison des consommables dans le cadre d’un forfait choisi par le client. Prenons l’exemple d’une imprimante monochrome pour quelqu’un qui veut faire de l’impression type profession libérale. Pour 400 pages/mois, ça va lui coûter 29 euros par mois, tout compris. Si le client n’utilise pas tous les toners qui lui sont alloués pendant la durée de vie et pour peu qu’il reprend une imprimante Oki, on lui rachète les consommables en surplus et on lui met à disposition un nouveau package pour son nouveau contrat. On s’est rendu compte, avec quatre ou cinq mois d’expérience, que c’est quelque chose qui intéresse beaucoup les PME, que curieusement l’un des canaux les plus intéressants pour le vendre c’est celui des revendeurs sur Internet. Un de nos partenaires, Compufirst a mis notre offre sur son site Web à destination des professionnels : ça lui génère de la vente, comme s’il vendait des forfaits téléphoniques.  C’est quelque chose qui prend bien, à condition que ce soit bien expliqué.  Dans ce cas, ce n’est pas compliqué à vendre ! C’est moins contraignant que les formules de coût à la page des vendeurs de copieurs, puisqu’on ne demande pas de relevé de compteur à chaque fois (on fait une moyenne entre le nombre de toners envoyés et le nombre de pages imprimées). La simplicité de mise en œuvre et d’utilisation pour le client est la grande force de cette solution.

Vous me dites d’un côté qu’il faut de la pédagogie pour expliquer le concept et initier les ventes. Et à côté vous me dites que c’est sur le Net que ça se vend le mieux pour l’instant. Ce n’est pas paradoxal ?  

Oui et non. Disons que quand le site est bien fait, que les questions de celui qui est devant son écran sont devancées, l’intérêt manifestée par le client le conduit jusqu’au bout de la vente. La mise en avant des bénéfices est essentielle.  Des revendeurs ayant un site Web et promouvant sur celui-ci l’offre Page+ c’est malgré tout un rêve possible pour nous… On peut proposer de faire un site co-brandé avec lui d’ailleurs. Et puisqu’on parle notamment dans cette interview de l’évolution de la distribution, je pense que la crise actuelle a au moins une vertu : elle fait évoluer énormément le comportement d’achat des entreprises. Elles ont de l’argent mais elles ne vont plus dépenser n’importe comment. Le revendeur ou l’intermédiaire qui gagnera une affaire saura pourquoi il l’a gagnée et le client saura pourquoi il a acheté chez lui. Regardez dans votre quotidien, le lieu de vente en tant que tel n’est plus nécessairement le lieu de passation de commande.  Les revendeurs vont devoir mettre à disposition 24 heures sur 24 leur offre aux clients, que ce soit via une boutique ou via des bureaux, ou encore que ce soit via un site Internet. Le client ira peut-être deux ou trois fois sur place, poser des questions et rentrera peut-être chez lui, un soir à 21 heures, et se dire : « bon j’ai pris ma décision, je commande maintenant». C’est celui qui sera disponible, branché, qui prendra la commande.  Je suis persuadé que ce mode opératoire ne fonctionnera pas que dans l’informatique. Dans l’automobile par exemple…  La crise va faire en sorte que les gens cherchent du sens à leur achat sur le mode « J’ai de l’argent, je suis prêt à le dépenser mais je veux vraiment savoir pourquoi ».  Ca va permettre au réseau de distribution de se repositionner comme un acteur de conseil et non comme un point de vente qui va donner un prix…  Je pense que c’est une grande chance pour le canal de distribution !

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Vous avez également annoncé début avril l’extension systématique de la garantie de vos produits à 3 ans. Etait-ce une attente du marché et de votre réseau ?

Nous avons passé toute notre gamme à 3 ans, car ça fait un an et demi qu’on l’a testé sur notre gamme couleur et qu’on s’est rendu compte qu’auprès de l’utilisateur ça reste un atout majeur (un argument majeur aussi pour les revendeurs). Pour lui avoir une garantie 3 ans sur site c’est la certitude d’avoir un technicien qui intervient en cas de souci (donc c’est rassurant). Pour les revendeurs (avec notre politique 100% indirecte) ça a un autre avantage : le produit est laissé trois ans chez le client, ce q
ui induit un revenu de consommables pour le revendeur pendant 36 mois à condition qu’il s’y intéresse. Réseau et clients ne s’y sont pas trompés qui plébiscitent ce passage à 3 ans de garantie.

Etes-vous satisfait de votre organisation channel en France ? Est-elle identique partout en Europe ou chaque pays fait-il profiter son réseau de particularités liées à l’organisation du marché ?

La France a une particularité : l’utilisation des grossistes. On a toujours pris le parti ici d’utiliser les grossistes (Ingram Micro, Tech Data et ETC Metrologie). Les revendeurs ont l’habitude de ce mode de fonctionnement. On ne va certainement pas modifier ça,  parce que ça marche très bien. Les OKI partout en Europe travaillent en indirect, mais pas forcément comme nous en nous appuyant sur un trio de grossistes de renom. Chaque pays a sa spécificité.
Aujourd’hui, ce sur quoi on travaille : plus de proximité avec nos partenaires stratégiques. On considère qu’un commercial ne peut pas suivre plus de 40 clients correctement. Chaque commercial terrain, partout en France (dans les grandes villes) a une liste de 40 clients. Pour lui il s’agit de s’intéresser à chaque revendeur stratégique qu’il a sur la liste, à son métier, à ses clients, l’aider à vendre nos solutions chez ses clients, à lui transmettre des leads, continuer à lui offrir des conditions leur permettant de rester profitables (on suit de très près les encours, et s’il y a besoin on peut le cas échéant reprendre un partenaire en direct le temps que sa situation revienne d’équerre, je précise que ça ne s’est pas produit pour l’instant). Pour les autres partenaires, on a une cellule de télévente pour animer le réseau. De ce réseau peuvent remonter des clients susceptibles de devenir stratégiques.