Après la fusion HP-EDS, la concentration des SSII continue?

HP-EDS, naissance d’un géant

HP a donc annoncé l’acquisition de la société de services informatiques EDS pour un montant de 13,9 Md$ (9,5 Md€). La transaction, qui sera effective au second semestre 2008, va doubler le chiffre d’affaires de HP dans les services, qui était de 16,6 Md$ (11,4 Md€) en 2007. A elles deux, les compagnies représentent un chiffre d’affaires combiné de plus de 38 Md$ (26 Md€) et emploient 210 000 salariés dans plus de quatre-vingt pays !

HP va créer une nouvelle « business unit » baptisée « EDS, an HP company ». L’objectif a été clairement annoncé par le Pdg de HP : « la combinaison de HP et EDS va créer une force leader dans le monde global des services IT ». HP se positionne ainsi auprès des IBM et Accenture sur le marché mondial.

Frédéric Giron, directeur de Pierre Audouin Consultants (Pac) France analyse : « L’acquisition d’EDS permet à HP de se renforcer sur l’activité de services, jusqu’ici axée essentiellement sur la maintenance matérielle, de renforcer sa couverture géographique. Seul bémol : EDS est toujours positionné sur l’infrastructure et peu sur les applications. »

Pour Pierre-Yves Dargaud, président de AP Management, cabinet de conseil en fusion-acquisition spécialisée dans le secteur des logiciels et services, « la fusion HP-EDS est considérable par la taille de l’opération. Elle a un aspect patrimonial important, avec EDS, une société à bout de souffle, engluée dans une très faible croissance et à la rentabilité qui a disparu. IBM s’achète une part de marché colossale aux Etats-Unis sur des business récurrents, sur le modèle d’IBM, à un prix somme toute « raisonnable » malgré la prime par rapport au cours de Bourse. Avec cette acquisition, HP sort de son business model initial pour développer des activités à valeur stratégique. »

En France, HP Services et EDS réunis passent à la 4e place du classement par chiffre d’affaires des sociétés de services, avec un CA total de 1042 M€, derrière IBM Global Services, Cap Gemini, Atos, et devant Accenture et Logica, en regardant les chiffres du cabinet Pierre Audouin Consultants (PAC).

La concentration du marché

La concentration du marché des services en France

Le phénomène de concentration n’est pas nouveau. Des rachats de toutes tailles ont toujours existé. Les objectifs des acquisitions sont généralement d’atteindre une taille critique et/ou de renforcer le positionnement de l’entreprise sur des segments technologiques ou verticaux, ou encore d’améliorer sa couverture géographique.
Pourtant, le marché français reste atomisé avec beaucoup de petites sociétés, car le marché n’a pas de barrière à l’entrée ; le faible ticket incite à la création d’entreprises. Selon le Syntec Informatique, le marché des logiciels et services pèse 40,2 Md€ en 2007(+6,5%) pour 21 000 entreprises, dont seulement 4 700 de plus de dix salariés. Sur ce marché, les SSII représentent 58% du marché (23,3 Md€) et les sociétés de conseil en technologies 14% (5,6 Md€). La part de marché du Top 10 tourne néanmoins autour de 40%.

Pourtant, le marché des fusions-acquisitions est cyclique et suit la croissance du marché IT : croissance très forte à la fin des années 1990, arrêt de 2001 à 2003, année de transition en 2004 puis redémarrage. « Il n’y a pas eu auparavant de cycle haussier plus long que quatre ans ; pourtant, 2008 ne montre pas de signe de ralentissement, dans la même ligne que 2007, une année remarquable, note Pierre-Yves Dargaud, président de AP Management, cabinet de conseil en fusion-acquisition spécialisée dans le secteur des logiciels et services. Les acteurs cotés veulent surperformer un marché pourtant dynamique en dopant leur chiffre d’affaires par croissance externe. La logique de référencement par les grands comptes qui diminuent leur nombre de fournisseurs poussent à la concentration. »

95 SSSII ont changé de contrôle en 2007 contre 83 en 2006 (+14%). Il y a peu de fusions entre égaux, avec un foisonnement de petites opérations concernant des PME. On note par exemple l’acquisition de Coframi par Akka Technologies. Avec le papy boom et des fondateurs arrivant à l’âge de la retraite, les cessions de petites entreprises devraient se multiplier dans les prochaines années.
Parmi les acteurs de bonne taille, il reste des sociétés dont le management fondateur est toujours aux commandes, jaloux de leur identité et de leur histoire, qui préfèrent grossir eux-mêmes que se faire racheter. Les consolidateurs sont de plus en plus nombreux sur un marché atomisé : les acteurs spécialisés qui renforcent leur spécificité sectorielles ou technologique, les acteurs globaux, les grands acteurs étrangers, les fonds de LBO attirés par des valorisations encore raisonnables et les opérateurs télécoms. Ceux-ci se développent sur le marché où ils trouvent un relais de croissance en commençant naturellement par les spécialistes de l’infrastructure. Ainsi, Orange Business Services a acquis Silicomp.
Frédéric Giron, directeur de Pierre Audouin Consultants (Pac) France, fait remarquer : « La valorisation des sociétés de services informatiques françaises est relativement faible. Les grands acteurs français ont un potentiel d’amélioration de leur productivité et donc de leur rentabilité importante, en cas de réorganisation et d’industrialisation de leur fonctionnement, qui annoncerait un ROI rapide. »

Analyse et conseils du Syntec

Enfin, le Syntec informatique devrait présenter en septembre prochain une étude sur le sujet de la concentration en France. Selon Jean-Pierre Merland, délégué aux affaires économiques, « ce sera un chantier pluri-annuel. » Ce chantier comporte trois volets :
– Le stock, ou état de concentration : comment se répartissent les entreprises sur le marché, leur part de marché ;
– Le flux, ou mouvement de concentration : sur dix ans (période 1997-2007), analyse des opérations de fusion-acquisition (PME et grandes entreprises) sur le marché français ;
– L’accompagnement sur les problématiques que se posent les acteurs du secteur : positionnement, bien vendre, bien acheter… conseils et bonnes pratiques.

L’Inde, prédateur et cible

3. L’Inde, prédateur et cible

La puissance de feu indienne peut-elle venir absorber des sociétés françaises ? Les Indiens, confrontés à une baisse relative de leurs marges, toutefois encore beaucoup plus importante que celles de leurs confrères européens, sont poussés par leurs clients grands comptes à aller voir les PME européennes pour mettre la main sur des actifs et une activité de front-office. Car tout projet informatique nécessite une présence locale en termes de conseil, seule une part du projet peut être délocalisée. Frédéric Giron, directeur de Pierre Audouin Consultants (Pac) France souligne : « Les sociétés indiennes cherchent activement à l’heure actuelle en Europe continentale, notamment en France et en Allemagne, des cibles de taille petite à moyenne à forte valeur ajoutée qui n’ont pas vocation à être délocalisées. Ils veulent réparer leur principale faiblesse : le front office pour être au contact du client, qui est l’atout des SSII européennes. »

Il ajoute : « Comme les sociétés indiennes sont déjà très bien organisées de façon industrielle, avec « un model delivery » (mode de livraison du service) particulièrement efficace, cela devrait confirmer la tendance à l’industrialisation à marche forcée des SSII européennes. D’ailleurs, des
sociétés françaises comme Cap Gemini ont bien compris le phénomène de globalisation et d’industrialisation du marché, à l’instar d’IBM et d’Accenture. Si beaucoup ont investi dans des plates-formes offshore, mais sans forcément intégrer les ressources de façon compétitive, Cap Gemini compte 18 000 personnes en Inde via des acquisitions et par croissance interne. »

Pierre-Yves Dargaud, président de AP Management, cabinet de conseil en fusion-acquisition spécialisée dans le secteur des logiciels et services, modère : « Le marché des fusions acquisitions en France demeure jusqu’alors franco-français, avec 86% des opérations réalisées par des entreprises nationales. Les Indiens pour l’instant ne sont pas encore des global players, avec une culture du Commonwealth. Mais les SSII indiennes majeures sont des nouveaux entrants très actifs en Europe et en France depuis quelques mois. »

Classement des sociétés de services

Le classement des sociétés de services sur le marché français

Tableau : classement selon le CA France 2007 des sociétés de services

Classement

Société CA 2007 France en M€ Croissance 07/06

1

IBM Global Services* 2 422 +7%

2

Capgemini 1 971 +9%

3

Atos Origin 1 675 +1%

4

Accenture* 898 +8%

5

Logica* 849 +12%

6

Orange Business Services*1(yc Silicomp) 780 +19%

7

Altran3 674 +5%

8

Sopra Group2 656 +10%

9

HP Services*4 632 +2%

10

Steria 534 +1%

11

Alten3 527 +22%

12

Assystem3 452 +2%

13

GFI Informatique2 (yc. BTD et Elios) 451 +8%

14

CSC* 440 +11%

15

EDS* 355 +7%

*Estimations PAC
1 Incluant externalisation d’infrastructures de communication, hors reventes de matériels
2 Y compris le CA éditions logiciels
3 Incluant activités bureau d’études/R&D externalisée
4 Activité services informatiques
Source : PAC-01 Informatique