Jean Mounet (Syntec): «Le cloud est une évolution, pas une révolution»

« Nous avons voulu réaliser une documentation à l’intention des dirigeants mais pas technique, explicative. » Le président du Syntec Jean Mounet a profité du salon des Solutions Cloud Computing (5 et 6 mai à La défense) pour présenter le premier livre blanc de son syndicat sur « l’informatique dans le nuage ».

A la clé : un ouvrage d’une vingtaine de pages (disponible ICI) réalisé par une équipe d’une quinzaine de personnes issues des différents corps de l’industrie (SSII, éditeur, intégrateur, hébergeur, opérateur…). Il aborde les différentes typologies du cloud et les bénéfices qu’en tirent les utilisateurs mais aussi les problématiques de mise en œuvre, les questions émergentes (sans forcément y répondre) ou encore les enjeux nationaux de son développement.

Loin de sacraliser une technologie en pleine effervescence bien qu’ancienne dans son concept, Jean Mounet préfère d’emblée mettre les choses au point : « Le cloud est une évolution, pas une révolution. »

En d’autres termes, les entreprises ne doivent pas voir dans le cloud la panacée, une solution miracle à tous ses besoins, quand bien même retrouve-t-on dans ce concept une notion de « libre service » alléchante. « Toutes les applications ne sont pas éligibles au cloud », rappelle du reste Céline Ferreira, responsable qualité chez Integra. Si les solutions de faibles volumétrie de données comme la messagerie s’y adaptent parfaitement, « c’est plus délicat pour les ERP ». Même si le modèle privé du nuage, où l’infrastructure reste administrée par l’entreprise, se montre plus pertinent que le modèle public ou mutualisé, géré par un prestataire. Conséquence, selon Cécile Ferreira, « le cloud mixte, hybride, semble marquer la tendance vers laquelle se dirigent les entreprises ».

Le cloud n’est donc pas parfait (mais quelle solution l’est ?), les bénéfices sont biens réels : flexibilité, consommation à la demande, optimisation (ou maîtrise) des coûts, etc. Même le « green » est de la partie. Virtualisation et consolidation à l’appui, « les gains d’énergie peuvent être de l’ordre de 50% s’il y a un bon usage du cloud », sans oublier la réduction de production des composants et donc des matières nocives.

Cependant le cloud n’est pas sans risque. D’abord, « personne ne détient la solution parfaite », insiste Jérôme Brun, Global Domain Manager chez Atos Origin, « les technologies vont se déployer progressivement », rassure-t-il. Et si « Google et Amazon dominent en volume, ils viennent du grand public. Aujourd’hui on parle de services aux entreprises. Il faut un mélange de tout pour arriver à des solutions efficaces ».

Ensuite vient la mise en oeuvre. Il est bon de rappeler que le cloud est avant tout un service avec les contrats qui y sont liés et les problématiques techniques et juridiques collatérales ou qui en dépendent. Mais si les risques en matière de sécurité sont loin d’être négligeables (à commencer par les problématiques de tentatives de fraudes, de risque légaux, de disponibilité, de gouvernance ou de réversibilité), « ils sont plutôt moins présents que dans l’informatique de tous les jours », relativise Jérôme Brun.

Les problèmes de mise en place sont sans doute plus à regarder du côté humain, face aux nécessaires adaptations qu’une mise en place de cloud implique. A nouvelles technologies, nouvelles adaptation et son lot de formations, réorganisations, reconversion des salariés… Difficile d’apporter une réponse tranchée. Autant dire que les cas sont à traiter au « coup par coup », selon la situation propre de chaque entreprise candidate au cloud. Du reste, d’autres questions, comme celle de l’évolution de la fiscalité liée au cloud, reste aujourd’hui sans réponse.

Jérôme Brun note que la France est particulièrement isolée du fait de son manque de data centers par rapport à ses voisins européens. Preuve en est que les Google et autres Microsoft installent leurs serveurs à nos frontières faute d’infrastructure suffisante, selon lui. « Il y a un problème » dont le gouvernement semble prendre conscience, notamment en provisionnant 1 milliard d’euros, selon l’intervenant, pour l’infrastructure du cloud en France dans le cadre du grand emprunt… ne serait-ce que pour permettre à l’Etat de s’équiper !

Si les technologies ne sont pas nouvelles, leur mise en oeuvre elle reste jeune. Les investissements que les entreprises y consacrent devraient passer de 5% de leur budget aujourd’hui à 10% d’ici deux à trois ans, selon Céline Ferreira. Une évolution qui s’accompagnera, « rapidement », d’un livre blanc « plus technique et détaillé » en prolongement de ce premier travail.

Une suite très attendue si l’on en juge par le niveau des participants dont la pertinence des questions (Quid des certifications? Quelle unité de mise en oeuvre de facturation ? Rôle de l’ingénieur d’affaires ? Quelle juridiction pour les données stockées à l’extérieur ? Problématique de la qualité des transports de données…) montrait une connaissance plutôt avancée du cloud. A suivre, donc.