Comment externaliser son infrastructure en temps de crise ?

Réponses d’Eric Rousseau, PDG de VeePee

Certaines études ont récemment fait part d’une plus grande réticence des DSI à l’égard de l’externalisation, doit-on y voir le début d’une tendance plus générale ?
Depuis près de 10 ans, le secteur IT enregistre cycliquement des périodes de plébiscite et d’autres de remise en cause de l’externalisation. Le manque de visibilité actuel rend les entreprises prudentes. Pour répondre aux contraintes économiques drastiques, certaines DSI réagissent en ré-internalisant, avec l’idée qu’elles pourront mieux maîtriser les coûts. Au-delà de cette approche conjoncturelle de l’externalisation, nous constatons plutôt sur le long terme un apprentissage, une structuration de ce modèle. Et c’est d’autant plus vrai dans des secteurs qui ont vu leurs marchés se tendre bien avant 2008 : dans le secteur presse/média, en crise depuis de nombreuses années, confier à un tiers la gestion des infrastructures et/ou services IT pour se concentrer sur son coeur de métier est une tendance qui se renforce. De plus, le taux de renouvellement des contrats est de l’ordre de 95%, et rares sont les clients qui font machine arrière. Le modèle, utilisé à bon escient, convainc, car il permet aux entreprises de rester dans la course de l’évolution malgré un contexte économique difficile.

L’externalisation serait donc un modèle efficace pour les entreprises, notamment en période de crise ?
S’agissant des moyens de télécommunications, un effet de levier fort plaide en la faveur du mode managé : celui de la centralisation des infrastructures et de la mutualisation des services. Comme tous les flux transitent aujourd’hui en IP (applicatifs, téléphonie, données, etc…), on peut réaliser des économies substantielles en intégrant les réseaux voix et data, mais cela suppose des infrastructures et une gestion au quotidien qu’il est de loin préférable de faire opérer. Cette rationalisation du SI, c’est précisément ce que demandent
les entreprises aujourd’hui à leur Direction Informatique !

De même, quel intérêt a encore une entreprise à assurer elle-même la gestion de services hautement mutualisables tels que la messagerie ou l’Antivirus/ Anti-spam, quand le mode managé lui permet d’obtenir, pour beaucoup moins cher, des résultats beaucoup plus efficaces ?
Car au-delà des économies d’échelles, externaliser permet de prétendre à un niveau et une qualité de services bien supérieurs, en bénéficiant d’une expertise technologique et d’infrastructures plus accessibles car mutualisées. Enfin, et c’est capital en temps de crise, cela permet de bénéficier de plus de souplesse, en évitant des investissements lourds et des engagements dans la durée. Les résultats sont bien sûr variables d’un projet à l’autre, mais
dans la plupart des cas le client est gagnant.

Concrètement, vous pouvez chiffrer ce gain ?
Récemment, deux clients importants ont mené un audit poussé à l’occasion du renouvellement de leur contrat : les gains constatés vont de 15% pour l’externalisation d’une infrastructure télécoms et Internet, à plus de 40% pour une démarche plus globale (incluant l’externalisation de la salle blanche du client en Data Center). Pour certains services particuliers, tels que l’antivirus/anti-spam, le ratio est bien plus élevé encore, car l’entreprise devrait investir des sommes 3 à 4 fois supérieures pour absorber les millions de
mails qui arrivent de manière exponentielle chaque jour sur les plates-formes ! Aujourd’hui, il leur serait coûteux de ré-internaliser les prestations, avec un niveau d’équipement et de service équivalent.

Et y’a-t-il un « profil type » d’entreprises pouvant externaliser ?
Toute entreprise peut externaliser certains services, je dirais que la société qui pourra tirer le plus grand bénéfice de l’externalisation est celle dont le DSI s’engage et se projette dans le modèle. Ainsi, nous constatons que la centralisation est un levier fort, qui permet de maximiser les gains par des économies d’échelles importantes : il ne faut pas simplement vouloir « mettre à l’extérieur » ce qui existe, l’externalisation doit s’accompagner d’une
réflexion sur la meilleure stratégie de mise en oeuvre, et en cela le rôle du DSI, qui doit porter cette réflexion auprès de la direction, est clé. Il faut surtout être conscient que tous les services ne peuvent pas efficacement être
externalisés, et le résultat est fortement dépendant de ce « bon choix ». Il ne faut pas se positionner dans un débat « valeur ajoutée VS tâches basiques », mais plutôt dans la conviction que seuls les services transverses peuvent être gérés par un tiers, tandis que les compétences métiers doivent impérativement rester dans l’entreprise.

Dans le secteur des administrations, notamment, il est prévu une augmentation du budget consacré à l’externalisation informatique en 2009/2010 : comment expliquez-vous ce phénomène ?
C’est un secteur qui vit actuellement une grande vague de modernisation et qui doit répondre à des enjeux importants, en matière de service public notamment. Mais c’est aussi un secteur où les évolutions, synonymes de fortes mutations, doivent être accompagnées : le rôle du prestataire va bien au-delà de la gestion des services, il est également essentiel dans la mise en oeuvre et surtout l’accompagnement du changement. La bonne relation avec
la DSI est donc primordiale.

Quel conseil pourriez-vous donner à des entreprises qui hésitent à s’engager dans la voix de l’externalisation ?
Ne pas hésiter à challenger leur partenaire ! Un contrat d’externalisation n’est pas une « recette » toute prête, chaque contexte doit être étudié et pris en compte pour un résultat positif. Ainsi, les entreprises qui craignent de se voir engager sur le long terme peuvent poser cette problématique, car l’un des effets bénéfiques de la mutualisation des infrastructures peut être, entre autre, une plus grande flexibilité sur la durée des contrats, et cela peut faire la différence dans le contexte actuel !