Pour les ESN, MSP et autres acteurs de l’écosystème IT, ces dynamiques redéfinissent les leviers de croissance comme les critères d’investissement. Marc Ohayon est associé en charge du secteur Software et Services chez 3i, fonds de capital-investissement coté à Londres et présent en France depuis 1984.
Il revient pour ChannelBiz sur les signaux qui attirent aujourd’hui l’attention des investisseurs dans l’IT, les facteurs différenciants qu’ils observent dans les entreprises du secteur, et la manière dont un fonds peut structurer ou accélérer des trajectoires de croissance, en France comme à l’international.
Marc Ohayon : Nous sommes un fonds historiquement ancré dans le soutien à des entreprises familiales ou entrepreneuriales, avec une logique patrimoniale. Nous investissons notre propre bilan, ce qui nous donne une grande souplesse dans la durée d’accompagnement. Si nous devons rester plus longtemps, nous restons. Et nous avons cette volonté de bâtir des leaders dans leur secteur, avec une véritable ambition industrielle. Moi, c’est ce qui m’anime au quotidien.
Je passe aujourd’hui 80 % de mon temps sur les services technologiques. Chez 3i, nous sommes une centaine d’investisseurs, mais très connectés entre pays et spécialités. Cela me permet, par exemple, de partager ce que je vois à New York avec un dirigeant à Lyon ou Lille. Ce regard croisé s’appuie aussi sur des écosystèmes que nous constituons autour de nos participations : anciens dirigeants de grands groupes, experts sectoriels, qui apportent une lecture stratégique, technologique ou opérationnelle.
Constellation est typiquement le type de groupe que nous cherchons à accompagner. Avant même l’investissement, je voyais une entreprise qui affichait chaque année 15 à 20 % de croissance, qui intégrait régulièrement des structures, avec un modèle qui se renforçait.
Surtout, son offre reposait sur une logique que nous partageons : un socle très solide en infogérance, en cloud hybride et en cybersécurité, avec des partenariats structurants avec IBM, Oracle, AWS ou SentinelOne. Sur cette base, ils ont développé des services adjacents comme le DevOps, le schéma directeur, la cartographie IT, ou encore le négoce, qui reste un levier tactique utile. Cela permet de construire une offre continue, du conseil stratégique à l’exécution. Cette cohérence, c’est ce que nous cherchons : pouvoir accompagner un client tout au long de sa chaîne IT.
La relation avec le fondateur, Etienne Besançon, dans le cas de Constellation, est un facteur clé. Nous avons entamé les discussions avec Etienne plus de deux ans avant l’investissement. À chaque échange, ses engagements ont été tenus. C’est cette régularité, cette transparence, qui a permis d’installer une relation de confiance.
Plus largement, dans les PME et ETI où nous intervenons, la qualité de l’équipe dirigeante reste déterminante. C’est elle qui fait qu’une société surperforme ou non son marché. Dans les services IT en particulier, cette capacité à exécuter une vision cohérente est indispensable pour maintenir une croissance récurrente.
Depuis notre entrée au capital, Constellation a réalisé quatre acquisitions. L’une d’entre elles portait sur de l’infogérance SAP, une brique qu’ils n’avaient pas encore. Les autres répondaient soit à des besoins techniques précis, soit à des logiques de proximité géographique. Je pense notamment à Armonie, basée à Montpellier. C’est stratégique, surtout quand on travaille avec IBM : Montpellier est un point d’appui clé. L’idée est toujours de renforcer la pertinence locale, les compétences, et la valeur perçue par le client final.
Nous sommes rentrés au capital en 2019. Evernex répondait à une conviction que nous avions déjà construite : le cloud sera hybride. En 2015, beaucoup pensaient que le cloud allait tout balayer. Nous avons rapidement vu, via des cas aux États-Unis, que la maintenance post-garantie de matériels IT avait une vraie valeur.
Evernex prolonge la vie des serveurs, baies de stockage, routeurs et switches, au-delà des 3 ou 4 ans de garantie constructeurs. Cela répond à trois demandes des DSI : moins de capex, un interlocuteur unique multi-constructeurs (Dell, IBM, Cisco…), et une maîtrise fine de la chaîne de maintenance.
L’ambition était déjà là : Evernex était un acteur très présent en Europe du Sud, au Moyen-Orient et en Afrique. Nous avons consolidé cette position avec des acquisitions ciblées en Afrique du Sud, au Brésil, en Colombie, mais aussi en Allemagne et aux Pays-Bas. Ces opérations ont installé un leadership local dans des zones clés.
Ensuite, nous avons accompagné l’entrée sur le marché américain, avec deux acquisitions : une dans le New Jersey, l’autre avec une couverture en Géorgie et au Texas. Le chiffre d’affaires réalisé aux États-Unis est passé de moins de 1 % à près de 15 % en quelques années. Aujourd’hui, nous poursuivons cette stratégie avec l’Asie, via un centre de compétences à Kuala Lumpur, et une présence en construction au Japon et en Australie.
Depuis 2016, nous avons vu évoluer les priorités : après les grands chantiers d’internationalisation et de digitalisation, les deux enjeux majeurs que nous observons aujourd’hui sont l’intelligence artificielle et le développement durable. Ils s’imposent désormais dans les discussions stratégiques, parfois de façon contradictoire, notamment quand il s’agit d’arbitrer entre performance, consommation énergétique et souveraineté des données.
Plus tactiquement, nous regardons de près les intégrateurs logiciels, en particulier sur les segments industriels. Il y a une dynamique de réindustrialisation qui bouscule les ERP, notamment autour du passage vers le cloud chez SAP. Cela crée beaucoup d’opportunités. Nous restons également très attentifs aux spécialistes du data management, notamment sur des formats plus spécialisés.
Nous avons une chance incroyable en France : une très forte densité d’entrepreneurs IT. Cela vient en partie de nos écoles d’ingénieurs, et de l’héritage de groupes comme Capgemini, Atos ou Sopra Steria.
Ces grandes structures ont formé plusieurs générations. Beaucoup ont ensuite créé leur propre aventure. C’est le cas d’Etienne Besançon, fondateur de Constellation, qui vient de chez Neurones. Cet écosystème, il existe, il est vivant, et il reste fertile pour les années à venir.
Propos recueillis par Guilhem Thérond, rédacteur en chef de ChannelBiz.
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