Pour Sébastien Gest, fondateur du cabinet ndnm, la première étape est d’objectiver les points de départ. Son équipe a mené une étude terrain auprès d’un panel de prestataires aux profils variés : bureauticiens, sociétés d’infogérance traditionnelles, MSP déclarés ou en devenir. Cette analyse met en lumière plusieurs trajectoires de transformation, avec des enjeux spécifiques selon la maturité initiale.
Le bureauticien reste un cas emblématique de mutation incomplète. Historiquement positionné sur la vente et la maintenance d’équipements d’impression, il a intégré l’informatique dans son portefeuille au fil du temps, souvent en réponse à la demande client. Mais cette extension s’est souvent faite sur un mode curatif, sans remise en question du modèle de service. « Le bureauticien est historiquement un acteur de l’impression en entreprise, qui a progressivement élargi son activité en réponse à l’évolution des besoins du marché. », observe Sébastien Gest. Dans les faits, la majorité propose des solutions informatiques simples, centrées sur la revente de licences, avec peu ou pas de services associés. Le chiffre est révélateur : seuls 2,13 % des répondants du panel se revendiquent encore comme bureauticiens. Le phénomène de convergence est réel, mais son niveau de maturité est très variable.
Certains noms reviennent néanmoins comme exemples de mutation réussie. C’est le cas de Konica Minolta, cité comme l’un des rares à proposer une véritable offre MSSP, avec un SOC structuré et une démarche de sécurisation globale. À l’échelle locale, Rex Rotary est également mentionné comme un acteur ayant largement étendu son périmètre. « Ce sont des acteurs qui étaient historiquement sur l’impression, mais qui aujourd’hui proposent des offres de services similaires à celles des MSP », souligne Sébastien Gest. Pour les prestataires qui cherchent à se développer sur des zones comme la région lyonnaise, cette concurrence directe rend l’acquisition de nouveaux clients particulièrement complexe.
La trajectoire du prestataire traditionnel vers le MSP est sans doute la plus répandue, mais aussi l’une des plus difficiles à structurer. À l’origine centré sur le dépannage et l’infogérance ponctuelle, ce profil a commencé à évoluer depuis la seconde moitié des années 2010. « Le prestataire informatique traditionnel s’inscrivait majoritairement dans une logique curative : en cas de problème, le client appelait, et l’intervention suivait. » rappelle Sébastien Gest. L’industrialisation du modèle MSP, portée notamment par certains distributeurs, éditeurs ou influenceurs du secteur, a poussé ces entreprises à adopter des outils de supervision à distance (RMM), de gestion des tickets ou de facturation (PSA), mais aussi à faire évoluer leur mode de tarification.
L’un des apports majeurs du modèle MSP est la standardisation de l’offre et de la tarification. « Le modèle MSP permet d’établir un devis structuré, fondé sur une tarification par utilisateur intégrant des niveaux de service clairement définis. » Mais cette transition est encore incomplète dans de nombreuses structures. Sur les 53,97 % des répondants qui se définissent comme MSP, beaucoup n’intègrent qu’une partie du modèle, parfois uniquement la tarification récurrente, sans stack technique complète ni processus de déploiement industrialisé. La culture de la “prestation à la demande” reste encore présente dans l’ADN de ces entreprises.
D’autres choisissent d’adopter directement le modèle MSP dès la création de leur activité. Cette trajectoire est souvent portée par d’anciens techniciens, déjà familiers des outils, des pratiques et des principes de gestion préventive. « Certaines structures se positionnent dès leur création sur un modèle MSP, portées le plus souvent par d’anciens techniciens issus de sociétés informatiques établies. », analyse Sébastien Gest. Cette acculturation initiale facilite la mise en place d’offres packagées, d’outils RMM/PSA, et d’une approche proactive des environnements clients.
Mais cette stratégie comporte aussi des obstacles financiers importants. Le marché impose des engagements contractuels minimaux, parfois décourageants pour une structure naissante. « Vous allez devoir, en tant que prestataire informatique, vous engager sur 2 à 3 ans sur un volume minimum de 50 agents », indique Sébastien Gest à propos des solutions RMM. Sans base clients solide, le risque de s’endetter sur une stack technique avant même d’avoir signé son premier contrat est bien réel. Cette barrière à l’entrée freine certaines vocations, ou les pousse à limiter leur stack aux outils les plus essentiels, au détriment parfois de la cohérence d’ensemble.
Quelle que soit la trajectoire, l’un des défis majeurs reste la différenciation dans un marché local souvent saturé. Pour les prestataires locaux, s’imposer nécessite de travailler une stratégie commerciale rigoureuse, des offres packagées lisibles, et de former leurs équipes à la vente, même sur des services complexes.
Le modèle MSP, à cet égard, facilite la délégation de la vente à des profils commerciaux, dès lors que l’offre est claire. « Le dirigeant n’est plus nécessairement en première ligne commerciale. Un commercial disposant d’une formation minimale est désormais en mesure de vendre efficacement des offres packagées. », explique-t-il. Cela suppose toutefois un effort initial de formalisation de l’offre, de documentation des services et de structuration des processus. L’industrialisation de la vente devient alors une condition d’accès au développement commercial.
À travers ces différents scénarios, l’étude du cabinet ndnm rappelle que la transformation du modèle des prestataires IT est un processus évolutif, rarement linéaire. Le passage vers un modèle MSP ne se résume pas à une simple adoption d’outils ou à une nouvelle ligne tarifaire. Il suppose une réflexion sur les moyens internes, la cible client, les compétences commerciales et les capacités de différenciation dans un environnement concurrentiel. Chaque trajectoire est marquée par ses contraintes propres, mais aussi par des opportunités d’alignement plus clair entre offre, organisation et marché.
Panorama MSP : que peut réellement offrir un prestataire IT aujourd’hui ?
Propos recueillis par Guilhem Thérond, rédacteur en chef de ChannelBiz.
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