Didier Gillion, Directeur des ventes – Canal de Distribution de Lexmark France : « Nos revendeurs sont plus que des partenaires, ce sont nos complices »

Channel Insider France Quelle est la réponse de Lexmark aux problématiques induites par la crise ?

Didier Gillion (Lexmark) – Aujourd’hui, beaucoup de nos clients, et beaucoup de revendeurs aussi, s’interrogent sur la pertinence du coût à la page. C’est vrai que la plupart des acteurs ont été en contact avec le monde des copieurs et les spécialistes du genre poussent ce type d’offres. Le réseau de distribution veut aller aussi vers ce genre de solutions dans le but de conserver ses clients mais aussi d’améliorer sa profitabilité car cela leur permet de vendre à la fois le matériel, le service et les consommables. Nous avons donc beaucoup de questionnements, beaucoup de demandes par rapport à cette problématique de coût à la page. J’ai l’impression que tout le monde se cherche encore un peu. Les distributeurs que nous voyons et qui rencontrent le succès sont ceux qui ont dédié des personnes pour vendre ce type de solutions chez les clients. En revanche, ceux qui ajoutent cette solution à des commerciaux qui ont déjà à vendre bien d’autres solutions (du PC, du réseau, du serveur, du câblage, …)  à côté des imprimantes, ne rencontrent pas le succès.
Le message que nous avons à transmettre au marché est le suivant : pour gagner, dédier des personnes sur des solutions de coût à la page, car la demande clients en ce domaine est importante et le nombre d’acteurs à y répondre est encore faible. Vouloir à tout prix conserver un modèle de distribution traditionnel est voué à l’échec, car les bureauticiens ont très bien compris que les solutions de coût à la page représentaient l’avenir, et pas seulement avec des solutions A3 comme ils les proposaient auparavant, mais aussi en A4.
Pour aider ces distributeurs la réponse de Lexmark est double. Comme d’autres constructeurs nous disposons d’une offre via Dexxon, si bien que le distributeur, qui n’a pas les compétences techniques pour installer et maintenir les produits, peut bénéficier d’un « package » prêt à l’usage via Dexxon. Au distributeur de se concentrer alors sur l’action commerciale, qui n’est pas si simple. 
La seconde possibilité concerne les revendeurs disposant de leur propre force technique et qui désirent maîtriser l’ensemble de l’offre, de bout en bout. Là, Lexmark agit en support. Nous leur donnons une délégation de maintenance, un prix attractif sur le matériel ainsi que sur le consommable, une formation technique et un suivi commercial. C’est un programme qui s’appelle le « Lexmark Value Print Partner ». Nous avons référencé sur ce programme une trentaine de partenaires distributeurs sur toute la France.
Ce qui est intéressant à analyser c’est la typologie des revendeurs qui adhèrent à ce programme. Contrairement à la première solution pour laquelle nous intéressons avant tout des revendeurs traditionnels, en ce qui concerne la deuxième solution on va retrouver essentiellement trois types de revendeurs. Certains d’abord sont des revendeurs traditionnels mais qui ont décidé d’investir ce segment de marché et de mettre en conséquence des ressources commerciales et techniques à disposition de cet engagement.
On retrouve ensuite les revendeurs de consommables qui se sont alliés avec des « mainteneurs ». Ils se rendent bien compte qu’aujourd’hui leurs ventes de consommables diminuent et que beaucoup de leurs clients passaient ou passent sur des contrats de type « Coût à la page », ce qui leur faisait perdre les revenus conséquents provenant des ventes de consommables. Il est donc crucial pour eux, pour leur avenir, de proposer eux aussi ce type de contrats.
Le troisième type de revendeurs, c’est intéressant, est constitué de bureauticiens qui ont l’habitude de vendre du Ricoh, du Canon, du Sharp, … Pourquoi viennent-ils vers Lexmark, comme par exemple Hexapage qui a annoncé il y a peu qu’il avait choisi de référencer Lexmark ? Tout simplement parce qu’ils ne disposaient pas d’une offre compétitive en A4, dans la mesure où les acteurs orientés copieurs ont des offres essentiellement concentrées sur le A3 sur un marché où le vecteur de croissance aujourd’hui est le A4 MFP Couleur. Nous sommes bien sûr en concurrence avec d’autres marques connues du marché, mais s’ils ont référencé Lexmark c’est parce qu’ils ont jugé bonne la qualité de nos produits et convaincant le maillage géographique qu’on peut leur offrir en matière de suivi commercial.
Cette typologie de revendeurs est donc intéressante avec ces trois catégories ayant des problématiques différentes mais qui ont compris qu’il fallait aller absolument sur ce type d’offres.

Avez-vous envisagé par exemple de nouvelles solutions pour les PME/PMI confrontées à la frilosité du secteur bancaire qui rechigne à financer nombre d’opérations ? L’un de vos concurrents a profité récemment du Distri Forum pour s’allier avec un spécialiste du leasing. Et vous ?

Au niveau du financement, on ne pousse pas un financeur par rapport à un autre, même si on travaille avec Fibail quand un distributeur ne bénéficie pas déjà d’un financeur. Ce dont on se rend compte aujourd’hui c’est que tous les distributeurs ou presque travaillent avec plusieurs financeurs. Il ne sert donc pas à grand chose d’avoir une offre spécifique dans ce registre là. J’ai encore vu il y a quelques jours un revendeur qui en avait quatre !

La crise financière n’a rien changé en la matière ?

Non, ce dont on s’aperçoit depuis le début de la crise financière c’est que celui qui n’est pas financé par le financeur X ne sera pas financé par le financeur Y. C’est ce que l’on constate aujourd’hui, et c’est problématique : on a vu, et on ne doit pas être les seuls, certains projets être reportés compte tenu d’un tel manque de financement. N’oublions pas que le financement est important dans ce cas, mais aussi dans les encours chez les grossistes.

S’agit-il d’un problème qui touche avant tout, voire exclusivement les PME-PMI ?

La quasi-totalité des reports d’investissements qu’on a pu constatés chez Lexmark concerne des PME ou des PMI. Les décalages de déploiement, s’ils ont lieu, chez les grands comptes tiennent à d’autres motifs qu’à des problèmes de financement. Ca peut changer avec le temps, mais c’est ce qu’on constate depuis quelques semaines.

Comment évolue la gamme des solutions Lexmark en matière de lasers vs les modèles jet d’encre professionnels à votre catalogue?

On voit que le segment qui est en pleine expansion est celui des MFP, essentiellement couleurs, beaucoup de nos annonces de produits vont dans ce sens. Entre novembre 2008 et mai 2009, on peut dire que 70% de la gamme Lexmark va changer avec un accroissement important du nombre de multifonctions, aussi bien monochrome que couleurs. Au programme : de nombreuses fonctionnalités nouvelles et plus de compacité. Le tout essentiellement en technologie laser, car c’est là que se gagne actuellement les parts de marché. La croissance y est importante, au contraire de la technologie jet d’encre qui reste essentielle sur les segments grand public. Les nouveaux arguments du laser couleur : la baisse de prix substantielle sur cette technologie la rend nettement plus abordable, tout en offrant un meilleur prix à la page avec des consommables de plus grande capacité.
 
Comment s’opère la segmentation ?

La segmen
tation s’opère de diverses façons. Il y a un premier critère qui est celui du budget. Ensuite il y a l’usage. Notre conseil à quelqu’un qui imprime beaucoup sera le suivant : s’orienter vers une imprimante qui a un coût à la page faible, donc concrètement vers l’impression laser couleur. Quelqu’un qui a des besoins ponctuels, voire des besoins en termes de mobilité, nous allons plutôt le diriger vers une MFC jet d’encre couleur. Notre gamme de solutions est extrêmement large et va de premiers modèles à 300 euros jusqu’à des modèles à plus de 15.000 euros. Nous couvrons aujourd’hui tous les besoins du marché, en laser comme en jet d’encre. Dans ce dernier domaine nous avons une ligne spécifique qui s’appelle les « Pro Series »  ayant la particularité de bénéficier d’une garantie sur site de 5 ans. C’est vraiment un gros plus par rapport à la concurrence. Nous vendons vraiment un  « sans souci ». 

A cette segmentation répond une segmentation des canaux de distribution au gré des solutions proposées et des cibles visées ?

Oui, c’est une bonne remarque dans le sens où les modèles jets d’encre sont surtout vendus chez les revendeurs OER de type Métro, Office Dépôt, BuroValley, voire la Fnac. Ce même réseau distribue aussi nos lasers d’entrée de gamme, y compris des modèles couleurs. Du reste, jusqu’ici leurs ventes de jets d’encre étaient supérieures à celles des modèles laser, mais c’est en train de se retourner.

Les modèles lasers noir et blanc font-il encore sens aujourd’hui, en entreprises, ou sont-elles définitivement supplantées chez Lexmark par les modèles couleurs ?

C’est encore ce qu’on vend le plus ! Je pourrais vous citer par exemple un grand compte – une grande banque – (ndr : BNP) qui nous en a commandé 17 000 en quelques semaines, pour des activités de guichet notamment avec un temps de sortie de la première page très rapide et un grand silence de fonctionnement. 
Mais je vous dirais que la technologie pour la technologie n’intéresse pas grand monde. Sur l’IT Partners 2009, vous pourrez constater sur notre stand – qui sera plus grand que l’an passé – que nous avons fait par exemple beaucoup de travail sur nos panneaux de contrôle, qui sont personnalisables. Nous centrons essentiellement nos développements sur la facilité d’utilisation et sur l’interface utilisateur, en ce qui concerne les MFC jet d’encre mais sans doute plus encore s’agissant des produits laser. 

 

Quel bilan tirez-vous de votre récente conférence partenaires ?

On a tout fait pour que les revendeurs soient satisfaits de l’événement. Ils ont notamment fait un excellent repas en Espagne… Ce clin d’œil mis à part, nous avions un double objectif pour cette conférence partenaire : le premier était de récompenser nos fidèles revendeurs Lexmark, le second était de montrer à ceux qui commençaient à travailler avec nous qui nous étions vraiment, quelle était notre structure et d’échanger avec eux pour améliorer notre relation avec eux dans le sens où, même si nous parlons de partenaires, nous cherchons beaucoup plus que des partenaires, nous voulons de la complicité avec ces distributeurs qui travaillent avec nous. Nous voulons des complices.  
Si on regarde depuis le début des années 2000 qui sont les grands gagnants dans l’informatique, ce sont les clients utilisateurs. Les revendeurs ont vu leurs marges diminuer et tous les constructeurs, sans exception, ont connu un plan social voire plusieurs… Donc, ce que l’on dit est simple : « à deux on est plus forts ».  Essayons de s’allier, de passer du temps ensemble pour que les revendeurs puissent apporter du service, de la valeur ajoutée, à leur offre. De la personnalisation par exemple au niveau des panneaux de contrôle, pour qu’ils puissent fidéliser leur relation avec leurs clients, pour ne pas parler seulement en termes de prix et de produits mais aussi de services à valeur ajoutée. C’est un peu ce message que nous avons fait passer au cours de cette convention partenaires.  

Avez-vous eu des questionnements de revendeurs marquants ou étonnants à l’occasion de cette convention ?

Non, parce que j’estime – ça peut paraître présomptueux ou prétentieux de ma part, mais ce n’est pas le cas – que nous sommes bien à l’écoute toute l’année de notre réseau de distribution. Nous avons une force commerciale importante pour le suivre, j’en vois personnellement beaucoup chaque semaine et beaucoup viennent aussi nous voir à Suresnes, parfois avec leurs clients. Nous échangeons donc beaucoup avec eux, nous essayons de faire remonter leurs préoccupations ou leurs questions à notre direction européenne afin d’adopter certains processus ou certains développements produits. Nous avons conscience qu’il y a toujours des choses à améliorer et bien sûr il ne faut pas qu’on reste inactifs – ce serait la fin…
En revanche, parmi les participants à la convention il y en avait qui ne nous connaissaient pas, ou peu. Je pense que ceux-là ont une autre vision de Lexmark aujourd’hui. Ils n’avaient pas conscience de notre implantation forte sur les marchés professionnels, et notamment dans les grands comptes (c’est historique, puisque je vous rappelle que nous sommes issus de la cession par IBM de son pôle imprimantes à un groupe d’investisseurs). Pourquoi ces grands comptes nous choisissent et continuent à le faire ? Parce que nous avons de bons produits, des bons prix  avec une grande qualité de services. Au delà de la réputation de la marque, nous répondons à leurs exigences qui sont parfois très élevées avec des tests très (voire trop) poussés. Par exemple La Poste, qui est un client Lexmark, teste nos imprimantes par des températures extrêmes (de -20° à + 40°) pour répondre aux besoins de leurs agences à la montagne ou dans les climats des Dom Tom. Ou bien encore ils font tomber les cartons de livraison à hauteur d’homme parce qu’ils disent que ça arrive souvent…  Ils nous choisissent pour la qualité de nos produits, pour celle de notre support, et il n’y a pas de raison que ce qui fonctionne bien avec les grands comptes (La Poste, BNP, EDF, SNCF, Renault, Peugeot, etc.) qui nous sont fidèles, ne marche pas avec des clients de taille plus petite. C’est en gros le message que l’on tient à ceux qui croient que nous sommes toujours ces vendeurs d’imprimantes jet d’encre d’entrée de gamme en grande distribution à 39 ou 49 euros. Nous ne le sommes plus, et leur perception change quand on leur dit qui nous sommes vraiment ou quand ils viennent voir l’impressionnant showroom qu’on a mis en place à Suresnes.

Qu’avez-vous l’intention d’apporter de nouveau au channel en 2009 ?

Nous allons nous placer dans la continuité de 2008, parce qu’on s’aperçoit qu’il y a encore beaucoup de travail à faire dans le domaine du coût/page et dans celui du programme ValuePrint Partner. Ca va rester notre principal axe de développement. Il y a beaucoup de demandes émanant du canal, des clients et cela demande beaucoup d’investissements de notre part. D’où l’importance de ce que je disais précédemment sur la complicité nécessaire, car quand on est complices on se dit tout, et chacun investit de son côté sans arrière-pensées. Pour que ça marche, il faut que les deux partenaires  fassent un effort et mettent les moyens nécessaires chacun de son côté au bien commun.

Peut-on encore bien gagner sa vie en vendant des imprimantes aujourd’hui (hors consommables)
?

Vendre l’imprimante toute seule ça va commencer à devenir difficile, voire impossible, maintenant qu’il y a la concurrence frontale d’Internet. Je vais vous citer une anecdote pour répondre à votre question. Nous avons un partenaire depuis 2006 qui a décidé de se lancer dans le coût/page. Il nous a demandé de présenter à dix de ses clients qui était Lexmark et quelles étaient notre philosophie et notre stratégie en matière d’impression. Aucun de ces clients ne lui achetait jusqu’alors des solutions d’impression (ils achetaient des serveurs, des PC, des écrans, du câblage, en d’autres choses…). Nous sommes donc venus avec des produits, des solutions, des serveurs d’impression. Aujourd’hui, sur ces dix clients, dix sur dix sont devenus des clients en solutions d’impression Lexmark. Et tous fonctionnent sur le mode coût/page. Quand j’ai fait le point avec le revendeur, il disait être très content d’avoir ainsi migré vers le coût/page et je lui disais qu’il avait pu ainsi vendre en plus du service et du consommable qu’il ne commercialisait pas avant. Il m’a répondu « Oui, mais pas seulement, parce que comme je suis l’un des rares à le faire dans ma région, j’ai beaucoup de clients qui viennent vers moi qui ne seraient jamais venus vers moi si j’étais resté en mode traditionnel. »
Il est donc encore possible de gagner de l’argent en commercialisant des imprimantes mais on ne peut plus les vendre de la même façon qu’on a pu le faire jusqu’à il y a quelques années.

Est-ce que la baisse continue du prix des imprimantes vous a incité à baisser ou au contraire à augmenter vos budgets marketing ?

Nous venons de connaître deux ans d’augmentation des budgets marketing. Je ne suis pas sûr, compte tenu du contexte, que 2009 aille dans ce sens. Nous avons malgré tout, depuis quelques années, augmenté la force commerciale qui suit le canal de distribution et le marché SMB, et les budgets marketing afférents.

Monsieur Gillion, je vous remercie.