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Pourquoi une telle effervescence autour du cross canal ?

Cross canal pour les uns, multi-canal pour les autres, voire omni-canal… Le monde du commerce et du e-commerce semblent n’avoir que ce mot à la bouche depuis quelques mois. Le DG de NBS System s’interroge sur ce phénomène.

Par Philippe Humeau, directeur général de NBS System

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Philippe Humeau (NBS)

Introduction : un jargon difficile à appréhender

Aujourd’hui, il est complexe de se repérer parmi les différentes terminologies existantes. En effet, les cellules marketing des différents opérateurs/éditeurs mélangent allègrement Omni canal, Cross Canal, Multi canal, et le reste. A cela s’ajoutent les problèmes liés à la langue (français, anglais), les détournements de sens ou encore les changements linguistiques liées à l’évolution récente du e-commerce.

Certains diront que le multi canal c’est le fait d’être présent sur plusieurs canaux (physique, social, web, etc.) et que le cross canal, c’est le fait d’en jouer de manière à les croiser.

D’autres diront que l’omni canal c’est l’expérience client, le feedback utilisateur, et que le multi canal c’est le transactionnel en lui-même. Bref, même les clients, les intégrateurs et les éditeurs ne sont pas d’accord sur le vocabulaire naissant de cette tendance, sans compter les tirets (omni canal, omnicanal, omni-canal) et les anglicismes (cross-canal ou cross-channel ?).

Reste que le fait est là. Les clients achètent en ligne pour se faire livrer en magasin ou, à l’inverse, ils achètent en magasin pour se faire livrer à la maison. Ils lisent des avis d’autres consom’acteurs et partagent leurs expériences. Ils se renseignent et préparent leurs achats en magasin physique, depuis le web.

Je propose ici d’aborder le sujet sous l’angle tout simple et universel du chiffre d’affaire.

Les causes de cette frénésie

Cet engouement est lié à une collision de plusieurs paramètres :

•             En premier lieu, l’avènement du mobile

–              Les smartphones sont apparus, équipés d’un écran de navigation plus grand qu’il y a quelques années.

Quelques statistiques pour comprendre l’ampleur du mouvement :

–              Les utilisateurs de smartphone contribuent à 50% des requêtes de recherche, avec 125 millions d’utilisateurs pour les seuls USA, Australie et Angleterre…

–              Vente-privée.com fait déjà plus 40% de son trafic sur son site depuis les mobiles

–              Aux US, on estime à ~35% les ventes issues depuis les mobiles & tablettes

–              Un récent rapport du Forrester souligne que 71% des sites de e-commerce ne sont pas prêt pour la vente mobile

–              Plus de 3 millions de Français ont déjà acheté depuis un mobile (plus de 20 millions ont un smartphone)

 

•             En second lieu, l’avènement du social

–              Comme évoqué plus haut, les clients sont devenus des consom’acteurs qui expriment leurs opinions et lisent celles des autres avant de se décider. Les réseaux sociaux ont contribué massivement à ce phénomène.

–              Bien que certains systèmes de commentaires et d’opinions soient de plus en plus étrillés car pollués par des faux avis et commentaires, cela reste une pierre angulaire qui contribue à de très nombreux achats, particulièrement quand ces achats sont à fort budgets.

–              Les marques aussi l’ont compris et gèrent leurs images de marques sur les réseaux sociaux.

• Enfin les technologies e-commerce ont mûri et commencent à répondre aux besoins du site en ligne mais aussi du magasin physique.

• PIM et PCM présentent un catalogue homogène, capable de servir le même produit en plusieurs langues, sur plusieurs supports (web, catalogue, mobile, etc.) ce qui constituait une brique indispensable.

 

A quelles problématiques fait face le magasin physique ?

Le POS (Point of Sale) ou magasin en Français, à plusieurs problèmes à résoudre mais pour n’en citer que les plus marquants :

•             Le linéaire (l’espace de présentation des produits) est limité par la taille des locaux

•             Le stock (produit en réserve mais non exposé) est donc lui aussi physiquement restreint

•             Les consommateurs s’informent en ligne, témoignent en ligne et au final sont souvent plus renseignés que les vendeurs

Au final, sur 100 clients qui rentrent dans un magasin physique :

•             50 veulent acheter (ont une intention d’achat)

•             et seulement 15 le font au final

•             80% des 35 qui n’ont pas pu acheter (soit 28 clients) ont été bloqué dans leur intention par des problèmes d’approvisionnement (taille/couleur/modèle)

En conséquence, le cross canal est un excellent moyen de résoudre ces problèmes.

 

Le frein psychologique des vendeurs en magasin envers le webstore

Pour la marque, que le chiffre d’affaire provienne du magasin en ligne ou des magasins physiques, cela change peu de choses. L’important est davantage le volume de vente que le canal de vente. Pourtant, les propriétaires de magasin, qu’ils appartiennent à la marque ou qu’ils soient franchisés, reculent encore souvent à promouvoir les échanges du site web vers le magasin et du magasin vers le site web.

L’une des peurs du magasin est de devenir le showroom physique de site web.

Pourtant, le gain à envisager est énorme. Les magasins de chaines et les franchisés peuvent avoir de subtiles divergences dans leurs intérêts mais au final, elles peuvent déjà « save the sale » comme disent nos amis américains, « sauver la vente ».

Ensuite, le frein du showrooming n’est qu’une vue partielle du problème. En effet, envoyer des clients en magasin depuis le site Web est positif. Toujours. Pourquoi ? Si un client veut acheter en ligne après avoir visité un magasin, rien ne l’empêchera de le faire, que le magasin travaille étroitement avec son site ou non, sinon, il le fera chez un concurrent. Donc il n’y a pas de perte réelle ou nouvelle liée au cross canal.

A l’inverse, les clients qui ont acheté en ligne et qui récupèrent leurs achats en magasin sont un bénéfice pour le point de vente qui peut tenter un « upsell », une vente complémentaire ou séduire le client sur un autre produit. Le trafic qualifié de ce type en magasin est toujours le bienvenu.

De surcroît, plus la chaîne est large, moins le site représente un coût important par tête de magasin. Rétrocéder la commission de la vente faite depuis le magasin sur le site ne devrait donc pas être un frein mais une logique de fond. Car le site bénéficie d’un nouveau visiteur, d’une vente et le vendeur du magasin lui ne perd pas sa commission, il n’a donc plus intérêt à esquiver le site.

Quelques basics du cross canal à mettre en place

•             Save the sale (ou « order in store », « deliver at home » ou « store to door ») : permettre à une vente potentiellement perdue de se faire depuis le magasin vers le site.

Bénéfice direct : +28% de CA en moyenne.

•            Click & collect (ou « Pick up in store » ou « web to store ») : livrer le client dans un de ses magasins plutôt que chez lui ou dans un relais colis. De facto, plutôt pour les marques avec un grand réseau de distribution.

Bénéfice direct : Augmentation de la fréquentation du point de vente.

•            Store locator : c’est simple, mais beaucoup de visites sur les sites de marques sont faites pour savoir où se trouve le magasin le plus proche et surtout, est-ce que ce magasin possède l’article que le consommateur recherche en tant que client. Cela implique d’être interfacé avec le stock du magasin, ce qui est la partie complexe. A minima, il faut fournir la carte des magasins avec un Google Map par exemple.

Bénéfice direct : le client peut venir acheter en magasin rapidement car il sait que l’article est disponible. Cela augmente la fréquentation du magasin.

 

•             Responsive design : permettre au client d’avoir une consultation aisée de son site ou de son catalogue avec une application ou un site en Responsive Design. Le terme Responsive Design définit un site qui s’adapte à l’outil que le visiteur possède pour surfer sur le site de la marque. Le site doit s’adapter aux tablettes, aux mobiles, ainsi qu’aux devices Android et IOS qui représentent la très grande majorité du parc.

Bénéfice direct : Les visiteurs viennent de plus en plus par des devices mobiles, avoir un site adapté augmente les visites du site et surtout le taux de conversion.

•             Récolter les emails en magasin : phénomène curieux, mais peu d’enseignes en France collectent les emails de leurs clients ou simplement celles des personnes qui rentrent dans le magasin.

Et pourtant cette information a une valeur pour la marque et elle permet de garder le contact avec ses prospects et clients.

Bénéfice direct : une base de données qualifiée

•             Vérifier les avis : Cela ne s’adapte pas forcément aux marques, mais pour les autres, avoir des avis clients sur ses produits c’est bien. Il faut éviter la censure d’un coté mais aussi ne pas laisser les faux avis polluer le site et donc contrôler les avis déposés.

Bénéfice direct : Augmenter le nombre de transactions et donc le taux de conversion en augmentant la confiance

Conclusion

A minima, une bonne stratégie cross canal permettra d’augmenter le chiffre d’affaires et de faire plus de visites en point de vente, tout en renforçant la base d’emailing. Evidemment il existe des stratégies plus évoluées, mais cette première étape est aujourd’hui indispensable.