Emnnanuel Mouquet, DELL

Dell vise les parts de marché avec la sérénité d’une société privée

La filiale française espère beaucoup de la transformation de l’entreprise, et détaille ses stratégies serveur, stockage et surtout réseau plus volontaristes. Côté PC les choses vont mieux, et la tablette apparaît plutôt comme un complément… Inventaire.

Par José Diz

Comme chaque année en septembre, Dell France organisait son déjeuner de rentrée dans un grand restaurant parisien. L’occasion de revenir avec les directeurs français sur le rachat des actions par Michael Dell, et sur la stratégie des principales lignes de produits. Et il y en a eu pour tout le monde…

On « privatise » à la louche

Après le rachat des actions de Dell par son fondateur et dirigeant Michael Dell (voir nos articles « Michael Dell gagne son pari à 24,9 milliards de dollars » et « Tribune : Dell, ce qui va changer »), Emmanuel Mouquet, vice-président et directeur général de Dell France, apporte quelques précisions : « SilverLake détient 25 % du Capital et Michael Dell les 75 % restants. Pour financer tout cela, des banquiers prêtent de l’argent et Microsoft a concédé un prêt de 2 milliards, mais sans participations. Ce LBO a été approuvé par les actionnaires. À présent, nous attendons les diverses autorisations et finalisations nécessaires. »

Et pour ceux qui n’auraient pas tout suivi, depuis plusieurs jours, il répète : « La bourse exerce une forte pression sur l’activité avec une vision à court ou très court terme, générant de fortes variations pas toujours simples à gérer. Tandis que les investisseurs élaborent des stratégies à moyen ou long terme, plus sereines. »

La société affirme qu’elle va reprendre très vite le rythme de ses acquisitions, puisqu’elle dispose du cash nécessaire. « Dell investira plutôt dans des sociétés technologiques apportant de la valeur ajoutée à nos offres et solutions », annonce le dirigeant français. « Nous poursuivons notre stratégie sur ses quatre axes : Cloud, mobilité, gestion des données et sécurité. » Pas très révolutionnaire et plutôt générique, mais complet…

Plus de R&D. Assez ?

Emnnanuel Mouquet, DELL
Emmanuel Mouquet, DELL

« Nous allons continuer à augmenter nos parts de marché sur les divers segments où nous sommes présents, et accélérer encore notre Recherche et Développement. Aujourd’hui nous sommes à 300 millions d’euros investis par trimestre, soit plus de 1,2 milliard par an, » rapporte Emmanuel Mouquet.

Des chiffres qui semblent peu importants pour un constructeur/éditeur qui affichait près de 57 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2012. « Toutefois, il faut relativiser. En effet, notre activité se répartit aux deux tiers sur le poste de travail et pour un tiers sur l’infrastructure. Or, c’est sur ce dernier segment que l’effort va porter, » rétorque le directeur général. Même ainsi, cela reste encore modeste.

Serveurs x86 : un peu morose…

 

Après près de sept trimestres de chute, le marché des serveurs x86 semble se stabiliser selon les analystes. Et Dell se porte plutôt bien avec une progression de ses ventes sur un an (voir notre article « Marché des serveurs en Europe : bientôt l’embellie ? »).

« Certes, il ne faut pas s’attendre au retour d’une croissance à deux chiffres. Cependant, nous pensons clairement revenir à une croissance à un chiffre plutôt encourageant, » annonce Éric Velfre, directeur Enterprise Solutions chez Dell France. « Nous enregistrons déjà une augmentation de notre part de marché de 7 %, au détriment de HP et d’IBM. »

Impactés par la crise, le segment des PME/PMI et le haut du midmarket (marché de prédilection du Texan) ont moins investi et cherché le prix le plus bas. Contrairement à IBM ou HP, Dell est moins présent sur les grands comptes et les grandes administrations, encore plus touchées. Ceci explique peut-être aussi cela.

… mais quelques leviers intéressants

Dell investit fortement sur les segments bien plus porteurs et en pleine croissance des hébergeurs et des fournisseurs de Cloud.

Si le segment des hébergeurs/FAI traditionnels reste important pour le constructeur, « une partie d’entre eux (comme OVH) compose ses propres serveurs, et une autre (comme Free) s’approvisionne directement en machines. Toutefois, chacun sait exactement ce qu’il veut et à quel prix, » analyse Eric Velfre. « Nous avons d’ailleurs initié des programmes MSP Hosters pour appliquer les mécanismes du channel à ce segment. En outre, nous récompensons (incentive) l’apport d’affaires de clients d’un hébergeur par un commercial positionné sur ces acteurs, afin de créer une dynamique vertueuse. »

Destinés aux acteurs Cloud et autres MSP, les serveurs hyperscale très prometteurs permettent de gérer de forts volumes de données. Dell leur propose ses modèles PowerEdge C (comme Cloud) à infrastructure partagée. Un segment qui représente tout de même 8 % du chiffre d’affaires des serveurs chez le constructeur.

À côté, la division DCS (Data Center Solutions) se propose de répondre aux approches personnalisées pour les datacenters à très grande échelle mondiaux, nécessitant une forte valeur ajoutée comme Amazon, Microsoft, eBay… Un segment qui se porte également plutôt bien.

Les modèles Hyperscale et le groupe DCS représentent tout de même 50 % du chiffre d’affaires des serveurs en France !

« Aux côtés des blades ‘traditionnels’, des PowerEdge C et des châssis modulaires VRTX, une quatrième catégorie de serveurs pourrait bien voir le jour, avec un nouveau form-factor, des processeurs Intel ou autres, et de type blade, » instille discrètement Éric Velfre.

PC bof, tablettes bof-bof, supervision et sécurité : oui !

Face à un marché des PC en forte dégringolade, Dell a malgré tout enregistré des gains de parts de marché sur les deux derniers trimestres.

 

Dell propose déjà des produits sur un marché des tablettes, encore modeste dans l’entreprise. « Je ne crois pas du tout à un marché de remplacement, ou alors dans des situations déjà bien identifiées : certains commerciaux, maintenance sur le terrain, etc. » confie Éric Velfre. « Et la tablette Surface de Microsoft nous semble plus un atout intéressant d’évangélisation de Windows 8, qu’une concurrence directe. Il me semble que ce qui importe dans l’entreprise reste la gestion et le contrôle de tous ces postes clients. Or, dans ce contexte, un environnement client qui favorise la même utilisation et un accès identique aux mêmes applications est tout à fait légitime. »

Pourtant, le démarrage de Windows 8 fait plus penser aux dérapages peu contrôlés de Vista qu’à la réussite de Windows 7…

Avec le rachat de Wyse et de Quest Software en 2012, Dell dispose désormais des outils de supervision nécessaire pour se positionner sur le marché prometteur de l’administration système. Sans oublier les solutions de sécurité autour de SonicWall.

Le stockage plutôt en forme

Suite à la dispute très médiatisée avec HP qui a fini par emporter 3Par, et au rachat de Compellent, les entreprises se sont rappelées que Dell proposait aussi du stockage avec PowerVault et EqualLogic. Un atout indispensable pour combler les attentes des stratégies datacenter des entreprises (triptyque serveur-stockage-réseau).

« Nous misons sur les synergies de nos 30 % de part de marché sur les serveurs. Ce qui nous offre un potentiel intéressant. Et plus encore en le combinant avec nos logiciels de supervision des infrastructures matérielles et logiciels Quest, » affirme Eric Velfre.

Focus sur le réseau où Dell reste peu connu

Beaucoup moins connue, quoique très complète, l’offre d’équipements réseau de Dell mérite le détour. Depuis le rachat de Force10 Networks en 2011, spécialiste du stockage en datacenter, Dell a complété ses solutions PowerConnect.

« Positionnés sur le LAN, nous avons joué les synergies et la convergence en proposant serveurs+réseau ou stockage+réseau, et souvent avec des lames dans les châssis… Cependant cet exercice a ses limites et nous ne disposons que de trois types de lames : une Fibre Channel et deux Ethernet. Désormais, notre stratégie plus volontariste consiste aussi à répondre aussi aux gros appels d’offres réseau avec nos solutions Force10 afin de gagner des parts de marché, » assure Éric Velfre. « Nous avons d’ailleurs déjà démarré les discussions avec les gros intégrateurs réseau en France et ailleurs. »

Le service passe par les partenaires

Pour ceux qui pensent légitimement que Dell pourrait aussi se renforcer sur les services de consulting par d’éventuelles acquisitions, la direction française est très claire sur le sujet. Même s’il n’y a pas aujourd’hui de vérité absolue…

 

« Nous accompagnons les clients en avant-vente avec du conseil (payant) en amont permettant de définir les besoins, sans préconiser nos solutions ou d’autres, » explique Emmanuel Mouquet, PDG français de Dell. « Il s’agit de consultants accompagnant sur la définition de schéma de directeur. Pour le reste, nous cédons la place à nos partenaires. Depuis 10 ans, le logiciel est le matériel sont achetés en direct à 25 %, et via nos partenaires à 75 %. »

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