IT et développement durable : des progrès colossaux restent à accomplir

Compass Management Consulting, une société du groupe ISG (Information Services Group), et spécialiste mondial de l’analyse comparative dédiée à l’amélioration des performances des entreprises, s’interroge – via Francis Capdepuy, Consulting Director – sur l’engagement du secteur IT en termes de développement durable. Entre les grands principes édictés et la réalité, l’IT n’en est qu’aux balbutiements.

Francis Capdepuy

Les ordinateurs, de plus en plus nombreux, causent un bilan écologique alarmant

C’est un fait avéré : la consommation d’énergie augmente, et des éléments alarmants se font jour.

L’informatique consomme de plus en plus de ressources. Qu’ils soient destinés à un usage personnel ou professionnel, les ordinateurs sont de plus en plus nombreux. Logiquement, tous les volumes explosent  et la consommation d’énergie suit la même tendance.

Actuellement, l’IT représente 50 millions de tonnes de déchets électriques dans le monde. En France, cela représente 24 kg par an et par habitant et seuls 15% de ces déchets sont recyclés. Dans l’hexagone, l’IT consomme plus de 10% de l’électricité (dont 38% de ces 10% pour les Data Centres).

« On se trompe souvent en considérant l’écologie du point de vue de la consommation durant la vie des ordinateurs » assure Francis Capdepuy, Consulting Director chez Compass Management Consulting.

Les conséquences directes portent sur une consommation énorme de matières premières et aussi de transport.

Dans un ordinateur, on compte environ 1500 composants qui arrivent d’un peu partout dans le monde. De ce fait, construire des ordinateurs entraîne un coût écologique très important.

Francis Capdepuy ajoute: «70% de la consommation énergétique d’un ordinateur est effectuée avant son premier allumage, c’est-à-dire lors de sa fabrication et de sa livraison

Il précise : «L’informatique représente 5% de la consommation d’énergie dans le monde. A eux seuls, les Data Centres représentent 2% des émissions de CO2 dans le monde, soit presque autant que l’aviation civile.»

 

L’industrie informatique affiche des résultats désastreux en termes d’écologie

Les enquêtes montrent que l’industrie informatique est une des moins performantes et volontaires en termes de consommation directe d’énergie et de trace écologique directe.

Certes, on a longtemps vanté le fait qu’en contrepartie l’informatique faisait gagner beaucoup de dépenses d’énergie aux gens qui l’utilisent, mais rien ne le prouve, bien au contraire.

Les allégations de l’industrie informatique qui met en avant l’impact indirect de ses produits semblent souvent sans fondement.

Les exemples concrets ne manquent pas :

–          Le 0 papier est une utopie. Au contraire, le nombre de feuilles imprimées a augmenté ces dernières années, et l’on estime que 15% d’entre elles ne sont jamais lues (enquête IPSOS Global – 2005)

–          Les voyages et les déplacements professionnels augmentent, et ce en dépit de la vidéo et du télétravail.

–          Le commerce électronique a un coût écologique important. Il revient plus cher, de ce point de vue, de recourir au commerce électronique plutôt que d’acheter dans une boutique classique. En effet, la chaîne logistique est chère, et la livraison à domicile entraîne des coûts importants.

–          La consommation électrique explose dans les Data Centres.

–          La production de biens et services IT se révèle être une source importante de pollution,  déjà dit.

Il faut aussi évoquer la catastrophe de la production et de la fin de vie. Selon Francis Capdepuy : « La production d’un ordinateur en Chine consomme jusqu’à l’équivalent de 24 années de son utilisation en énergie dans les cas extrêmes.»

 

Fournisseurs et utilisateurs : presque un zéro pointé des 2 côtés

Il suffit de se baser sur un indice publié par le CDP (Carbone Disclosure Project), qui établit une mesure en se basant sur une trentaine de critères, pour constater que l’industrie informatique arrive pratiquement la dernière.

Côté fournisseurs, il existe quelques initiatives volontaristes remarquables de la part par exemple de Cisco, Google ou EMC. IBM a pris une longueur d’avance et se distingue en marketing et en initiative : La société a mis en place toute une série d’initiatives sur ses Datacentres, les éléments qu’ils fabriquent, la chaîne de fabrication et de consommation …

Mais Francis Capdepuy le constate régulièrement : « La majeure partie de l’industrie élude la question et répond de manière défensive sur sa consommation directe. En revanche, l’argument écologique devient fondamental lorsqu’il s’agit de marketer ses produits : faites ce que je dis, pas ce que je fais

Ainsi, Apple par exemple refuse de fournir la moindre information sur sa consommation énergétique, même si le marketing se base fortement sur ce point. Et la règle du silence est la même pour Amazon et Citrix.

Côté Clients et utilisateurs, Dans la plupart des cas, les sociétés disposent d’une équipe qui s’occupe des questions écologiques mais on note relativement peu d’actions concrètes d’envergure.

Bien sûr il y a des exceptions, à l’instar du Crédit Agricole, qui  essaie réellement de mesurer ses impacts écologiques et de les limiter.

Quant aux décisions business, elles vont à l’encontre de l’écologie qu’il s’agisse de l’abaissement des durées de vie qui entraîne davantage de fabrication et de déchets, des volumes d’impression, de l’explosion des logiciels consommateurs, de l’explosion des besoins de puissance, etc.

Si l’on s’attarde sur ce que le législateur a mis en place, cela relève surtout pour le moment d’une information environnementale. « En dehors de quelques éléments sur le recyclage et l’échec avéré de la taxe carbone, nous n’en sommes qu’aux balbutiements», regrette Francis Capdepuy.

Il conclut : « Comme toujours, c’est par le législatif, les coûts et la pression des consommateurs/clients que les comportements vertueux seront générés

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