Steve Shine (Ingres) : «VectorWise apporte une nouvelle vision»

Un entretien réalisé par Christophe Lagane

VectorWise est une base de données décisionnelle développée et commercialisée par l’éditeur Ingres. Rachetée à la start-up éponyme créée suite aux travaux de l’institut de recherche CWI d’Amsterdam, VectorWise se distingue des autres gestionnaire de bases de données du marché par ses performances époustouflantes obtenues grâce à l’exploitation des propriétés des processeurs x86 de nouvelles générations (exploitation des instructions SIMD, de la mémoire cache, etc.).

Récemment, l’application a d’ailleurs obtenu un score détonnant au test TPC-H 100 Go avec plus de 251.000 opérations à la seconde contre moins de 74.000 pour le champion du moment Microsoft SQL Server 2008 R2. Parfaitement opérationnelle dans sa version 1.5 depuis maintenant quelques mois, il s’agit pour Ingres d’accélérer la phase de commercialisation de son offre. Une phase que Steve Shine, co-président d’Ingres, a partagé avec Silicon.fr.

Une rupture technologique radicale

Pour le dirigeant, « VectorWize est une technologie de rupture radicale qui oblige à repenser la façon dont fonctionne les outils de décisionnel. » Une rupture qui passe évidemment par la performance. « VectorWize apporte une nouvelle vision de la façon d’exploiter les processeurs Intel Xeon », insiste-t-il en rappelant la technologie de traitement des données en colonne et de compression optimisée propres aux bases de données décisionnelles. De quoi créer un rapport en quelques minutes au lieu de plusieurs heures habituellement.

Par ailleurs, tirant directement sa puissance de traitement des processeurs, elle bénéficiera d’autant de leur montée en performance. « Si une nouvelle génération de processeur Intel apporte 50 % de puissance en plus, VectorWise sera quasiment 50 % plus rapide et non pas 10 ou 15 % comme on peut le constater avec les offres concurrentes et cela sans avoir à réécrire le code. » Ainsi, les investissements matériels seront pleinement profitables.

Enfin, « l’application est particulièrement efficace avec les SSD capables d’envoyer rapidement de grands volumes de données », ajoute-t-il. Mais VectorWise se distinguerait aussi par la simplicité d’usage et de mise en oeuvre. « La simplicité est très importante, note Steve Shine. A l’usage, VectorWise s’utilise comme un gestionnaire de base de données relationnelles. ».

Pour quels marchés?

Fort de ces qualités, il reste néanmoins à Ingres à s’adresser aux bons marchés. D’entrée, Steve Shine précise qu’il vise celui de l’analyse transactionnelle et le reporting en quasi temps réel recherché par les entreprises qui n’ont pas les moyens d’investir des millions d’euros dans des solutions matérielles lourdes à mettre en oeuvre. « Nous avons cherché l’innovation plutôt que de vouloir empiéter sur le marché des échanges commerciaux [commodities] encombrés par les trois ou quatre principaux acteurs du marchés » Autrement dit, en s’adressant au PME, voire aux divisions des grands comptes, Ingres évite d’attaquer frontalement les offres des ténors du secteur Oracle, IBM, Microsoft, Sybase/SAP, bien que ceux-là investissent également ces secteurs…

Pas question non plus de s’attaquer au marché du « big data »
(datawarehouse à partir de 10 To) qu’Ingres laisse à Terradata, Netezza et autre Greenplum et qui représente à peine 20 % du transactionnel. Le potentiel commercial n’en est pas moins énorme. Steve Shine l’évalue à 5 milliards de dollars. Toutes les entreprises intéressées par l’analyse transactionnelle, comme les secteurs de la distribution, de la publicité en ligne (analyse des comportements et profils, annonces ciblées), voire de la géolocalisation, sont potentiellement concernées. « Un marché au potentiel énorme désormais à des coûts abordables », résume-t-il. VectorWize est effectivement proposée à 10.000 euros par coeur processeur. « Le modèle économique le plus pertinent [pour les clients] », assure Steve Shine.

Fini l’open source?

A noter que, contrairement à l’offre open source d’Ingres, VectorWise ne sera pas livré sous licence libre. « Nous ne souhaitons pas que nos concurrents accèdent aux sources et n’en prennent avantage grâce à leur puissant budget de R&D, justifie Steve Shine. Quant aux clients ils achètent parce que cela répond à leurs besoins et que c’est économique, pas parce que c’est ouvert. » Un choix néanmoins surprenant de la part d’une société qui avait justement basculé dans le modèle open source pour assurer son développement. Pour cela, Ingres maintient ses liens technologiques avec le monde universitaire et propose une licence « académique » de VectorWize. De quoi assurer l’avenir des développements pendant les 5 prochaines années au moins, selon le dirigeant. Le cloud analytique, notemment, entre dans ces futurs développements.

Pour l’heure, VectorWize ne compte que 7 clients. Si Ingres peut s’appuyer en partie sur les 13.000 utilisateurs dans le monde de ses solutions, son développement passera par les partenaires : une logique de complémentarité pour JasperSoft, autre acteur de l’open source spécialisé dans le décisionnel, mais aussi Cognos (IBM) et Business Object (SAP). « Ils comprennent parfaitement les besoins du client et ont conscience de vivre dans un monde multi-technologique contrairement à Oracle ou Microsoft qui veulent imposer leurs technologies exclusivement », justifie le porte-parole d’Ingres.
Extension en Asie

Le développement commercial passera également par l’extension géographique. Notamment en Asie où Ingres a ouvert un bureau au Japon fin 2010. « Il y a une vraie demande à une alternative Oracle », assure le Steve Shine. Pour l’heure, 65 % des revenus se concentrent sur l’Europe (Royaume-Uni, France et Italie, principalement). A l’éditeur de renforcer les opportunités en Amérique du Nord et Australie. Pour cela, Ingres développe son écosystème (partenariat Jaspersoft, Cognos, Business Object) et est entrée en phase de recrutement. En France, Christian Raza, un ancien de Netezza, a rejoint l’entreprise en début d’année comme directeur commercial. Aujourd’hui composé de 200 personnes, combien d’employés comptera Ingres d’ici la fin de l’année? « Cela dépendra du développement de l’entreprise », répond malicieusement Steve Shine.