Alain Godet, auteur du « Guide des grossistes et de la distribution IT » : « 2009 n’a pas été marquée par une augmentation importante du nombre de défaillances de distributeurs »

Channel Insider – Vous éditez aux Editions Profing (ODI, OVS) l’édition 2010 du guide des grossistes et de la distribution IT. Rappelez-nous d’abord depuis quand existe ce guide qui est devenu en quelque sorte une référence sur le marché français ?

Alain Godet  – Le guide de la distribution IT existe depuis 1994. Il s’agit d’une extraction de la base en ligne de grossistes ITdistri.com, qui compte plus de 6.000 sociétés sur l’ensemble de la zone EMEA. On y retrouve chaque année l’ensemble des distributeurs IT opérant sur le marché français. Est susceptible d’y figurer n’importe quelle société dont au moins une partie de l’activité consiste dans la distribution via un réseau de revendeurs de produits neufs ou d’occasion qu’elle ne fabrique pas. C’est pourquoi on y trouve, aux côtés de grossistes traditionnels, des sous-distributeurs, des rééditeurs, des brokers, des traders ou même des revendeurs disposant de cartes de distribution sur quelques fournisseurs.

Mais le guide a évolué au fil du temps ?

Effectivement. Initialement centré sur les produits purement informatiques, il s’est étoffé au fil des ans et grâce à la convergence avec des produits péri-informatiques comme l’électronique grand public, la sécurité physique, l’électronique embarquée ou encore le câblage et la connectique. Cette année, il regroupe 509 grossistes hexagonaux et, pour la première fois dans le cadre d’un cahier international, 28 grossistes basés à l’étranger (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas, République Tchèque, Royaume-Uni, Suède et Suisse) qui « attaquent » officiellement le marché français, grâce à des ressources dédiées. Tous y sont présents gratuitement. Ceux qui le souhaitent peuvent publier un profil plus complet de leur société. Outre les profils des distributeurs, on y trouve plusieurs index destinés à simplifier l’utilisation du guide : index par marque distribuée, index régional ou encore index par spécialité. Il s’agit de l’unique support en France à être régulièrement mis à jour. Et le plus avancé en son genre en Europe.

Quels sont les buts de ce guide et qui ciblez-vous en termes de lectorat (à combien tirez-vous) ?

Le guide est destiné à tous les professionnels de la distribution informatique. Il aidera les services achats à identifier de nouveaux fournisseurs, et les fabricants et éditeurs à trouver de nouveaux canaux de distribution de premier niveau. A ce titre, il est d’ailleurs régulièrement utilisé par des fournisseurs d’autres pays. Le guide est envoyé à un panel de 21.000 professionnels de la distribution informatique en France, tous abonnés aux magazines de notre partenaire presse, les Editions Profing (magazines ODI et OVS).

Pourquoi choisir la gratuité assortie d’un sponsor principal ; Ne s’agit-il pas d’une ressource extrêmement précieuse pour les acteurs du secteur qu’ils seraient sans doute prêts à acheter ?  

Le guide est en effet offert aux abonnés des magazines des Editions Profing. Une gratuité qui permet d’assurer une diffusion qualifiée, gage de revenus publicitaires de nature à faire « vivre » le guide. Il s’agit d’une stratégie qui a fait ses preuves, puisque le guide est un grand succès depuis trois ans. Au-delà d’un numéro par abonné, tous ceux qui souhaitent recevoir des exemplaires supplémentaires peuvent en faire la demande auprès de Profing, mais ces exemplaires supplémentaires sont eux payants, ce qui illustre la valeur de son contenu.

Quelles sont les tendances de cette édition 2010 ? A-t-on observé un resserrement du nombre d’acteurs par concentrations ou disparitions suite à la crise économique qui a frappé le secteur IT ?

Contre toutes attentes, 2009 n’a pas été marquée par une augmentation importante du nombre de défaillances de distributeurs, ni même par une plus grande concentration – relativement aux années précédentes s’entend. Preuve s’il en est que les craintes des organismes de crédit n’étaient pas fondées ! En revanche, l’activité s’est contractée à des niveaux inconnus depuis les origines du guide, puisque le recul général de la distribution a atteint selon nos calculs 6%. Cette baisse cache en outre des disparités importantes : le monde de l’assemblage a reculé de près de 30%, après un recul de 20% en 2008. Les généralistes ont, quant à eux, vu leur activité se contracter d’environ 8%. Les seuls à avoir tiré leur épingle du jeu ont été les grossistes à valeur ajoutée (+6%) et les spécialistes en vidéo, logiciel ou photo qui ont évolué sur des marchés globalement stables. Et encore, ces chiffres devront-ils être affinés d’ici l’an prochain : il s’agit essentiellement de déclaratif et, d’expérience, nombre de sociétés ont tendance à gonfler un peu leur chiffre d’affaires… Nous corrigerons le tir en cours d’année, au fur et à mesure du dépôt des résultats aux greffes, et publierons des chiffres définitifs sur l’édition 2011.

Le problème des encours et du financement est-il toujours au cœur de l’activité des revendeurs et VAR, même si – comme vous l’évoquez dans votre édito – la crise semble s’être éloignée ?

Malheureusement plus que jamais et à plusieurs titres. Les encours 2010 des distributeurs seront calculés sur la base de leur chiffre d’affaires 2009. Or, comme nous l’avons vu, ceux-ci se sont contractés à cause de la suppression des encours en début d’année 2009. En outre, chez les clients finaux, les budgets pour 2010 sont calculés sur l’activité 2009, elle-même en baisse. Ceci ne devrait donc pas inciter de nombreuses sociétés à investir en matière d’informatique. Deux cercles vicieux dont il va falloir sortir à un moment ou un autre ! Certains grossistes estiment cependant que certains investissements, notamment en matière de serveurs, ne peuvent être repoussés indéfiniment : peut-être un passage vers la sortie de crise ? Toujours est-il que nombre de grossistes s’accordent à constater un mieux depuis septembre dernier. Avec un bémol toutefois: ils ne disposent d’aucune visibilité et ne se sentent pas à l’abri d’un retournement du marché. Et tant que les organismes de crédit ne feront pas mieux leur travail – et c’est encore loin d’être le cas malgré leurs belles promesses –, il est difficile d’affirmer que la crise est définitivement derrière nous.

Vous qui vous intéressez également beaucoup aux autres marchés européens, via votre site ITDistri, que diriez-vous des spécificités du marché français ?

Le marché français se caractérise par une surreprésentation de la grande distribution (que l’on ne retrouve qu’au Portugal et, dans une moindre mesure et uniquement à cause de Media Saturn, en Allemagne) et des sites de vente en ligne. Cette surreprésentation se fait au détriment des revendeurs traditionnels et s’explique par une mauvaise habitude hexagonale : la recherche du prix le plus bas. Les utilisateurs, qu’ils soient particuliers ou professionnels, ne réfléchissent pas au-delà de l’achat et minimisent l’importance du SAV : formation, support, réparation. Et quand surgit un problème, leur fournisseur (hypermarché ou site en ligne) est incapable de leur proposer un service de qualité, d’autant plus que les fournisseurs, pour tirer les prix vers le bas, proposent des services à deux vitesses. Un exemple qui illustre bien cette problématique : en cas de panne sur un téléviseur LCD acheté en ligne, il faudra
le retourner à ses frais chez un réparateur agréé, alors qu’un revendeur traditionnel (ou certaines grandes enseignes) se chargerait du support sur site. C’est sur cette dimension de service que les revendeurs de proximité peuvent et doivent se positionner. Certains l’ont déjà bien compris, et reprennent doucement mais sûrement des clients aux grandes enseignes physiques ou en ligne. L’aspect proximité et service est beaucoup plus présent dans d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne ou encore la Pologne. Il ne permet pas d’échapper totalement à la crise, mais permet aux revendeurs d’améliorer leur résultat.

Tous les grossistes et, à fortiori les VAD, parlent sans arrêt de « valeur ajoutée ». Peut-on encore en 2010 avoir une activité de simple négoce dans ce secteur ?

Contrairement à ce que veulent faire croire certains fournisseurs, les grossistes seront toujours incontournables à cause de l’importance de la logistique. Celle-ci constitue, en un sens, le minimum de valeur ajoutée proposé par les grossistes, avec la mise à disposition de moyens de financement. Quand certains ne disposent pas de stocks suffisants et jouent donc insuffisamment leur rôle de logisticien, l’activité de négoce correspond alors à un vrai besoin du marché. Cependant, lorsqu’elle répond à une simple problématique de moins-disant, j’estime qu’elle est nuisible pour le marché, comme le carrousel à la TVA. Concernant ce dernier, il est d’ailleurs inadmissible que l’Etat ne prenne pas davantage le problème à bras-le-corps, notamment en condamnant les clients des sociétés qui pratiquent le carrousel : nombre de (très) grandes enseignes, parfaitement identifiées par leurs pairs, profitent du système en parfaite connaissance de cause, et contribuent à pourrir le marché. Rappelons que le carrousel à la TVA coûte annuellement (!) à l’Europe près de 200 milliards d’euros, et qu’on ergote pour accorder un prêt de 110 milliards d’euros à la Grèce. Où sont les priorités ?

Rendez-vous en 2011 ?

En 2011, pour la prochaine édition du guide de la distribution IT, sans aucun doute. Mais même avant, puisque nous travaillons sur d’autres projets, pour le marché français comme pour l’étranger, dont plusieurs se concrétiseront d’ici à la fin de l’année. Mais je ne peux vous en dire plus pour l’instant…