Peut-on réussir un projet SAP sans conduite du changement ?

Par Eric Auberger*, Consultant Expert en conduite du changement – Groupe KPF

QUELS SONT LES CHANGEMENTS CONSTATES LORS DE LA MISE EN ŒUVRE DE L’ERP SAP ?

L’évolution des processus

Un projet SAP est généralement accompagné ou précédé d’une réflexion sur les processus de l’entreprise. C’est en effet l’occasion de les repenser, les adapter, les rationnaliser. Le choix même de SAP peut également être motivé par le souhait d’adopter les « bonnes pratiques » sur lesquelles l’ERP a été élaboré.

La mise en œuvre de nouveaux processus induit inévitablement des modifications dans les pratiques Métier, les rôles des acteurs, voire dans l’organisation des équipes.

Ce qui signifie qu’au moment où les utilisateurs doivent apprendre et s’habituer à la nouvelle solution élaborée dans le cadre du projet, ils doivent également comprendre le nouveau référentiel dans lequel ils interviennent.

L’utilisation de la solution

La deuxième phase de changements est directement liée à l’utilisation du nouveau progiciel. Très souvent, l’ERP SAP va remplacer une application spécifique bien maîtrisée, exactement dimensionnée aux besoins des utilisateurs qui se sont habitués à vivre avec ses éventuelles faiblesses. Ils devront s’approprier une solution, certes plus moderne et plus performante mais qui présentera l’inconvénient d’être plus « standard ».

Cette difficulté va être renforcée par la dimension intégrée de SAP. En effet, dans les applications plus spécifiques utilisées antérieurement, les utilisateurs connaissent la finalité des informations qu’ils sont amenés à créer ou à manipuler. Avec SAP, ils devront saisir des informations dont seule une partie aura une réelle signification, voire une réelle utilité pour eux.

La conséquence immédiate est la perception (ou une réalité pour certains utilisateurs) d’une augmentation de la charge de travail occasionnée notamment par la saisie d’informations qui ne leur sont pas utiles mais qui seront nécessaires à d’autres utilisateurs en aval.
Le passage à SAP va également entraîner des contraintes inhérentes à tout ERP, telles qu’une plus grande rigueur dans la qualité des informations ou le respect du moment où elles doivent être entrées dans le système.
L’ensemble de ces conditions d’utilisation de la solution doit faire l’objet d’un minimum de communication et d’accompagnement.

Le partage de l’information

La notion de partage de l’information constitue également une réelle évolution. Dans les applications antérieures, l’utilisation des informations est souvent limitée à un groupe identifié de personnes appartenant au même service ou au même département. Avec un ERP, les informations sont accessibles par l’ensemble de la communauté des utilisateurs, dans la limite des habilitations.
Ils ressentent un réel sentiment de « dépossession » (ils ne sont plus les seuls détenteurs de l’information, ils en deviennent « copropriétaires ») et le poids d’une plus grande responsabilité (la qualité des informations dont ils sont responsables est visible par tous les utilisateurs autorisés, au-delà de leurs interlocuteurs habituels).

 

QUELLES SONT LES CONSEQUENCES DE CES CHANGEMENTS ?

Les changements cités précédemment, et ce ne sont pas les seuls, s’ils ne sont pas pris en compte, vont avoir une influence négative sur le déroulement du projet, voire sur l’utilisation de la solution SAP.
Quelques exemples permettent d’illustrer les conséquences de changements non maîtrisés.

Une formation peu efficace et contre productive

Dans de nombreux projets, l’accompagnement des utilisateurs commence au moment de la formation. Si bien que dans une période, en général courte, les futurs utilisateurs vont découvrir la nouvelle solution (ergonomie et fonctionnalités) et dans le même temps de nouveaux modes de fonctionnement qu’ils devront appliquer dès le démarrage de la solution.
La découverte simultanée de tous ces éléments a comme conséquence directe de rendre la formation peu efficace. Les participants, qui viennent d’apprendre les changements liés à leur métier ou à l’organisation dans laquelle ils évoluent, sont en général moins réceptifs à la dimension « mode opératoire » de la formation. Au final on entend dire que la formation a été mauvaise alors qu’en réalité, ce sont les phases antérieures à la formation qui n’ont pas été respectées.

Un démarrage poussif des projets

Une autre conséquence peut être constatée ultérieurement à la mise en place des projets. Le manque de sensibilisation des utilisateurs aux changements peut conduire à une période de transition plus longue que prévue. Ainsi l’entreprise mettra plus de temps à retrouver un bon niveau d’efficacité. Pour ce faire elle devra sans doute prolonger le dispositif d’assistance au démarrage (utilisateurs-clés et consultants) ce qui entraînera des coûts supplémentaires imputables au projet.

Enfin, dans les cas les plus extrêmes, la solution mise en œuvre ne permettra pas de donner les résultats escomptés, parce que le projet n’a pas pris en compte les conditions d’utilisation ou n’a pas mobilisé les ressources nécessaires pour le faire fonctionner (recours récurrent à du personnel intérimaire par exemple).

EN QUOI LA CONDUITE DU CHANGEMENT PEUT-ELLE AIDER AU SUCCES DES PROJETS SAP ?

La conduite du changement va être exclusivement centrée sur la dimension humaine du projet. Son objectif est de faciliter l’acceptation des changements induits par la mise en œuvre du projet et de réduire les facteurs de rejet. Pour ce faire, elle va s’appuyer sur les deux leviers que sont l’adhésion et l’appropriation.

Très concrètement, les activités de conduite du changement s’appuient sur deux activités, l’analyse des impacts du projet et l’analyse des risques, qui vont conduire à l’élaboration des plans d’actions de la conduite du changement.

Favoriser l’adhésion au projet

Dans le but de favoriser l’adhésion, la conduite du changement va s’attacher à rendre compréhensibles les éléments de la situation cible. Cela passe notamment par la description précise des nouveaux rôles et périmètres de responsabilités des acteurs impliqués dans les processus et la rédaction de procédures opérationnelles.

Des actions de communication devront également être menées, d’une part pour informer dès que possible les populations impactées, et d’autre part, pour les préparer aux changements qui vont les concerner.
Les différentes strates du management de l’entreprise seront mobilisées pour relayer et ainsi « légitimer » les messages du projet, mais également pour capter les réactions de leurs équipes à ces messages. Dans un souci de cohérence, les interventions du management seront préparées et pilotées par la cellule conduite du changement.

S’assurer de l’appropriation du projet

En termes d’appropriation, les actions sont menées avec une orientation « Métier ». Ainsi la documentation est découpée selon les tâches courantes des publics auxquels elle est destinée. Son contenu s’appuie sur des situations concrètes et des données réelles. Elle comporte l’ensemble des informations permettant à un utilisateur d’effectuer un acte professionnel : contexte, règles métier, transactions SAP. Elle peut ainsi être utilisée durant la formation puis comme mode opératoire au poste de travail.
< br />Dans le même ordre d’idée, les cursus de formation seront articulés sous forme de parcours reflétant l’activité opérationnelle des participants. On évitera ainsi que la formation ne se transforme en une revue de toutes les transactions SAP disponibles, et qu’à contrario elle se focalise sur les transactions réellement utiles.

La planification et le séquencement des actions de conduite du changement ont également une grande importance. Par exemple, il est souhaitable que les actions de communication soient planifiées suffisamment tôt dans le projet. Une fois « l’assimilation » des messages acquise, la formation retrouve sa fonction première, c’est-à-dire un moment privilégié pour l’appropriation de la solution et non pas le seul et même moment où toutes les informations sont livrées aux participants.

 

APRES LE DEMARRAGE DU PROJET, SA PERENISATION

En conclusion, je souhaiterais attirer votre attention sur le constat que font régulièrement les entreprises ayant développé un dispositif de conduite du changement. Il s’agit de l’obsolescence rapide des éléments qui le composent.

Durant le projet, des ressources ont été mobilisées et des budgets alloués. Après une période de support au démarrage, l’équipe projet est dissoute et ses membres reprennent leurs missions antérieures. Même lorsqu’un centre de compétences est constitué, il est très rare que les activités liées à la conduite du changement soient prises en charge par cette structure.

Après le démarrage, la solution va évoluer, des ajustements vont être opérés. Dans le même temps, l’entreprise devra prendre en compte des mouvements de personnels (mutations, embauches) et des demandes de formation complémentaires. Il y a une forte probabilité pour que l’on constate alors un décalage entre la solution utilisée et celle décrite dans les livrables de la conduite du changement. L’entreprise a le sentiment d’avoir beaucoup investi dans un dispositif qui n’est plus à jour lorsque l’on en a besoin.

Or, des solutions existent pour la pérennisation du dispositif de conduite du changement et il est nettement plus profitable de les anticiper dès la phase projet.

*  Eric Auberger (53 ans) – Consultant expert en conduite du changement chez KPF, société de services informatique spécialiste des infrastructures systèmes et SAP. Eric intervient sur des projets de conduite du changement dans le cadre de projets SAP depuis plus de 12 ans et dans le domaine de la pédagogie depuis près de 20 ans. Eric est titulaire d’un DUT de gestion option finances-comptabilité.