Investir dans le numérique, c’est bien… Ne pas se tromper de cible, c’est mieux !

Par Jean Michel Laveissière, fondateur et CEO d’Ipercast

En France, on ne sait pas financer les porteurs de projets.

C’est enfoncer des portes ouvertes que réaffirmer que l’industrie High Tech française possède de réels atouts. Oui, en France, on a des techniciens, des ingénieurs et des chercheurs compétents (même si beaucoup finissent par partir à l’étranger). Oui, on a des idées, souvent novatrices et à fort potentiel.
Oui, on sait faire preuve de dynamisme et faire avancer l’industrie en introduisant des avancées majeures.

Mais ne nous voilons pas la face. En France, on a aussi deux cruelles faiblesses, toujours les mêmes. Dans le high-tech on ne sait pas ce que marketing veut dire. Et surtout on n’a pas d’argent, ou plus exactement on ne sait pas financer les porteurs de projets.

Car le premier problème à résoudre pour l’industrie du numérique en France, c’est le financement.

Une seule comparaison suffit pour s’en convaincre. En France, les entreprises achètent deux fois moins de technologies numériques que leurs homologues américaines, un chiffre cité par le Ministre Hervé Novelli. Mais beaucoup plus inquiétant encore, les entreprises françaises du high tech reçoivent non pas deux mais dix à vingt fois moins d’investissements que leurs homologues américains. Du coup, le développement de leurs idées, si innovantes soit elles, s’en trouve inexorablement freiné et finit le plus souvent aux mains de sociétés étrangères…

Sur ce point, le constat est amer, et aucun progrès ne se profile à l’horizon. Qui sait ? Espérons simplement que le séminaire qui s’annonce amorce une prise de conscience salutaire dans ce domaine…


Des « tickets » encore désespérément faibles

Les banques françaises ne se sont jamais précipitées pour financer le développement de nos entreprises high tech – à part quelques cas de projets compliqués de LBO à rentabilité quasi immédiate – et ce n’est certainement pas aujourd’hui qu’elles commenceront à le faire.

Côté capital risque, même si le nombre d’acteurs ne cesse d’augmenter dans ce secteur en France, le montants des ‘tickets’ reste encore désespérément faible. Au cours de vingt dernières années, les plus gros montants pour un premier tour d’investissement dans une société n’ont pas dépassé 15 millions, voire 20 millions d’Euros, et les projets qui ont bénéficié de ces montants se comptent sur les doigts d’une main. Alors qu’aux Etats Unis, des premiers tours à 50, 100 voire 150 millions de dollars sont réguliers. De la part d’investisseurs mais aussi de banques, qui prennent le risque de soutenir des entrepreneurs, alors qu’en France il est parfois difficile pour un créateur de trouver même une banque qui veuille bien de son argent !

Alors oui à des tables rondes du numérique, mais n’oublions pas les vrais sujets. A l’instar d’une guerre moderne qui ne peut se gagner que sur le renseignement sur les forces adverses et sur l’approvisionnement en matériel et en carburant, la guerre économique dans le numérique se gagnera avec de l’intelligence industrielle et de l’argent en guise de carburant. Sinon, ne nous étonnons pas de voir de moins en moins d’entrepreneurs et de moins en moins d’entreprises réussir et tenir la dragée haute à leurs concurrents étrangers.