Loi Chatel et LME : la crainte d’une dévalorisation du Service Client

Par Eric Dadian Président d’Intra Call Center

Deux lois récentes impactent la relation client Revenons-en au fait. La loi Chatel (1er juin 2008) puis la LME (1er janvier 2009) stipulent que « l’appel d’un consommateur en vue d’obtenir la bonne exécution d’un contrat conclu avec un professionnel ou le traitement d’une réclamation ne peut pas être surtaxé ».

La volonté de légiférer concernait initialement la gratuité du temps d’attente, suite à la mobilisation de plusieurs associations de consommateurs dénonçant des pratiques jugées abusives. Leur revendication était audible dans la mesure où dans certains cas les consommateurs subissaient une « double peine » : celle de payer pour un non service – lié à la longueur du temps d’attente.

Le débat aurait alors dû porter sur la qualité du service rendu c’est-à-dire sur la politique de gestion du centre de relation client et sur les moyens de responsabiliser voir d’engager les annonceurs autour de la qualité. C’est en revanche sur le pouvoir d’achat – principal leitmotiv de la LME – que s’est déplacée la réflexion occultant la notion même de valeur du service rendu par le centre d’appels.

Des conséquences sur les modèles économiques des annonceurs

La valeur d’un service, parce qu’il est produit au moment où il est consommé, est intrinsèquement lié à la qualité perçue par l’utilisateur. Plus un service est rendu de manière professionnelle plus il a de la valeur. Un prestataire de centre d’appels, dont le métier est d’exceller dans la gestion de centres de relation client doit s’engager vis-à-vis de ses clients annonceurs sur les moyens qui garantiront cette qualité : formation des télé-conseillers, bases de connaissance, infrastructure technologique, modèle de dimensionnement, suivi qualité (…) tout ce qui créé du point de vue du consommateur final un bon service au client.

Pour l’annonceur, un service client qualitatif est une valeur supplémentaire qu’il apporte à sa marque. Chaque entreprise est confrontée au dilemme d’arbitrer entre la réduction des investissements liés au service clients et le risque de ne pas atteindre ses objectifs de taux de fidélisation ou d’acquisition de nouveaux clients. Selon le positionnement et la stratégie des marques l’exigence et le niveau d’investissement varie.

La surtaxe liée aux appels téléphoniques finançait une partie du service rendu par le centre d‘appels. Elle permettait de faire supporter une partie du coût aux clients qui utilisaient le service. Sa suppression remet en cause le principe de financement du service client et implique que cette charge soit répercutée sur l’ensemble du parc client correspondant à une approche plus « mutualiste ».

Les annonceurs doivent repenser tout leur modèle économique en réintroduisant ce coût dans le prix de revient du produit vendu. Cette refonte est profonde et ne peut être mise en place rapidement comme l’exigent les délais d’application de la loi, créant une tension économique forte chez les annonceurs.

L’urgence d’appréhender le service client différemment

A court terme, la promulgation de la LME fait peser un risque économique fort sur les prestataires de centres d’appels car les annonceurs vont chercher à compenser ce manque à gagner. Certains seront contraints de dégrader leur qualité de service et auront recourt à l’automatisation ou limiteront les moyens en place, d’autres opteront pour une délocalisation de leur centre vers des pays à bas coûts… Cette situation créé pour les prestataires de centres d’appels un challenge supplémentaire et de taille dans le contexte de crise actuelle.

L’autre risque, moins immédiat, moins palpable, mais plus profond et donc tout aussi préoccupant est la dévalorisation du service client. L’occultation du problème du financement du service client revient à une négation de sa valeur. Or, la création de valeur d’un service de centre d’appels est avant tout une création de valeur humaine. Pour un prestataire de centres d’appels entre 85 et 90% du coût du service produit est à imputer aux salaires des télé-conseillers dont le métier est de délivrer un service à distance professionnel. Il est regrettable que cette création de valeur humaine n’ait pas été reconnue à sa juste valeur. La relation client est une chaîne complexe dont chaque maillon doit être préservé pour que le secteur demeure créateur d’emplois durables comme il l’a toujours été depuis plus de 10 ans !