Sept prévisions pour l’open source en 2009

par Roger Bukhardt, CEO de Ingres

Selon Roger Burkhardt, on peut d’ores et déjà anticiper plusieurs points forts qui vont repositionner le marché des logiciels libres en 2009 :

1.    Adoption croissante de produits open source avec la dégradation du contexte économique
La récession apparue en 2008 va se poursuivre en 2009, modifiant la donne du marché des logiciels, le choc économique obligeant les entreprises à apporter des changements structurels à leurs stratégies informatiques pour réduire les coûts. Le logiciel libre permet d’éviter les coûts de licence initiaux et de diminuer les coûts totaux des nouveaux projets. Il crée également une concurrence qui va permettre aux entreprises d’améliorer leur position de négociation vis-à-vis de l’oligopole des éditeurs de logiciels propriétaires qui dominent le marché. Les acteurs de l’open source vont connaître une croissance annuelle de leur chiffre d’affaires supérieure à celle des éditeurs de logiciels propriétaires. En ce qui concerne, Ingres, le fournisseur de bases de données open source, a annoncé récemment la perspective de croissance de son chiffre d’affaires 2008 de plus de 25 % par rapport à 2007, alors que le taux de croissance du marché des logiciels classiques n’est que de 7 à 8 % par an. Le taux de croissance des éditeurs traditionnels va marquer le pas en dépit de mesures prises, comme dans le cas d’Oracle, pour relever effectivement les tarifs en période de déclin. La hausse de 45 % du prix du serveur d’applications WebLogic suite à l’acquisition de BEA par Oracle entraîne, par exemple, une migration de clients vers le serveur d’applications d’entreprise open source JBoss.

2.    Adoption accélérée de l’open source dans les solutions d’infrastructure et les applications
Un nombre croissant d’entreprises recherche des solutions d’optimisation innovantes. Elles vont suivre les pionniers ayant adopté depuis dix ans l’utilisation du système d’exploitation Linux et opté plus récemment pour l’open source pour leurs éléments d’infrastructure. Cette adoption concerne notamment des domaines tels que les serveurs d’applications, de messagerie et les bases de données, en particulier pour les applications Java, qui sont normalisées et relativement faciles à porter vers des solutions open source. Au niveau applications, l’adoption de solutions décisionnelles (BI), de gestion de contenu d’entreprise (ECM) et de gestion intégrée (ERP) s’accélère.

3.    Essor des solutions SaaS et cloud computing avec effet moteur sur l’open source
Les solutions SaaS (Software-as-a-Service, ou logiciel fourni sous forme de service) et open source partagent le même modèle économique séduisant, sans coût d’investissement et sans surprise au niveau des coûts d’exploitation. C’est un point capital dans ce contexte de récession. Les entreprises vont continuer à migrer vers des services par abonnement qui leur permettent ainsi de mieux maîtriser leurs coûts informatiques. Ce passage à des services achetés selon l’évolution des besoins va en outre permettre aux équipes dirigeantes d’adapter leurs budgets informatiques au contexte économique actuel, ou aux variations de leur chiffre d’affaires. L’adoption des modèles SaaS et open source va se renforcer. L’essor des solutions SaaS devrait en outre favoriser le développement de l’open source car il s’agit d’un modèle commercial adéquat pour les prestataires de services SaaS. Un nombre croissant d’entreprises intègrent les deux modèles de logiciels à leurs systèmes informatiques internes, et de fait vont de plus en plus se détourner des anciens modèles de licences propriétaires. Les offres SaaS, cloud computing et open source vont ensemble permettre aux entrepreneurs de créer de nouvelles activités avec très peu de capital, même en période de récession.

4.    Poursuite des fusions et acquisitions de fournisseurs open source
Les opérations de fusion et acquisition vont se poursuivre pour redessiner le paysage de l’open source, les éditeurs de logiciels propriétaires rachetant de plus en plus des acteurs du logiciel libre ou ces derniers fusionnant. Ces opérations vont par ricochet maintenir les cycles d’investissement, comme en atteste récemment le financement fin 2008 de sociétés telles que JasperSoft et Infobright, qui ont toutes deux levé 10 millions de dollars alors que les marchés financiers sont en pleine tourmente. Nous allons probablement assister à l’acquisition du premier fournisseur d’applications et/ou de solutions décisionnelles open source. Red Hat et Sun pourraient réaliser des acquisitions pour renforcer leurs offres globales open source respectives, et Novell pourrait utiliser les fonds provenant de l’accord de licence avec Microsoft pour élargir sa présence dans les logiciels libres. Les valorisations vont en parallèle dépasser les moyennes du secteur, mais sans atteindre les sommets vertigineux connus pendant la dernière vague de fusions et acquisitions au milieu des années 2000.

5.    La concurrence de l’open source va conduire les éditeurs de logiciels propriétaires à entamer la mutation de leurs modèles commerciaux
Le ‘choc économique’ changeant les habitudes d’achat établies associé à la disponibilité de solutions globales open source commerciales, abouties et éprouvées, 2009 sera l’année de la mutation pour les éditeurs de logiciels propriétaires. Face à la concurrence de l’open source, ces derniers seront conduits à entamer la mutation de leurs modèles commerciaux. Les entreprises qui sont dans une large mesure en train de rationaliser leurs activités ne vont plus accepter une hausse inexorable des coûts logiciels en raison des seuls moyens de négociation des gros fournisseurs. Il faut s’attendre à ce que les éditeurs de logiciels propriétaires commencent à réajuster leurs modèles commerciaux aux préférences des clients, en mettant initialement l’accent sur leurs propres offres SaaS tout en engageant un âpre combat d’arrière-garde pour préserver leurs recettes principales sous forme de licences et de support de logiciels propriétaires. En réponse aux défis économiques, les entreprises vont acheter de manière plus centralisée et adopter une approche stratégique de l’open source. Elles vont ainsi prouver leur volonté de déployer des alternatives open source pour des applications clés, ce qui va améliorer leur position de négociation.

6.    Naissance de solutions globales open source grâce à de solides partenariats commerciaux
Les éditeurs open source vont continuer à unir leurs forces pour créer des solutions globales complètes et proposer des produits certifiés et préconfigurés qui réduisent largement les coûts de gestion. Ces partenariats permettront d’améliorer la compétitivité avec les fournisseurs actuels grâce à une mise en œuvre plus facile que des combinaisons de logiciels propriétaires de concurrents comme IBM, Oracle et Microsoft. Les entreprises vont identifier et bénéficier des avantages en termes de coûts à tous les niveaux de la solution technologique globale (de l’infrastructure matérielle et logicielle aux couches applicatives). Par exemple, une solution globale Red Hat, JBoss et Ingres sera disponible pour les développeurs d’applications Java, et une solution alternative à celle de Sun sera proposée aux clients existants de Sun et MySQL. JasperSoft devrait nouer des partenariats avec des fournisseurs de bases de données open source pour créer une solution de datamining complète afin de rendre les projets décisionnels abordables compte tenu d
es nouvelles contraintes budgétaires. Ces solutions globales et bien d’autres issues de partenariats offriront une concurrence nouvelle et de l’innovation ouvrant ainsi une nouvelle donne sur le marché des logiciels.

7.    Les intégrateurs de systèmes pourront garantir des économies dans le cadre de migrations vers l’open source
Les entreprises ont tout intérêt à étudier les offres des nombreux intégrateurs de systèmes qui présentent une solidité financière et une expérience de l’open source, et luttent pour maintenir leur croissance dans un proche avenir. Ces intégrateurs seront en mesure d’apporter une solution aux entreprises souhaitant réduire leurs coûts, mais sans supporter les investissements associés. Ils vont utiliser leurs actifs pour financer la transition de leurs clients vers l’open source dans le cadre de contrats pluriannuels de migration, d’innovation et d’exploitation. Les intégrateurs de systèmes possèdent la solidité financière et les méthodes de tarification pour proposer des contrats pluriannuels forfaitaires de migration et d’exploitation à leurs clients, ou pour financer l’innovation dans de nombreux cas. Ces offres couvrent un large spectre prestations, de la migration à un service totalement géré, à la migration suivie d’un support et de services de maintenance sur site.

À propos de l’auteur
Roger Burkhardt est président et CEO d’Ingres et membre du conseil d’administration de la société. Avant de rejoindre Ingres, il fut pendant six ans directeur technique et vice-président exécutif de la bourse de New York (NYSE). Avec son équipe, il fut en charge de la transformation de cette bourse vers un modèle totalement électronique, avec un recours intensif à l’open source pour les processus informatiques.