D. Ortoli (Lexmark) : « Le papier représente 80 % de l’impact environnemental »

Créée en 1991 aux Etats-Unis, Lexmark est l’un des principaux fournisseurs de solutions d’impression sur le marché de l’entreprise. Si le constructeur a intégré la dimension environnementale de ses produits depuis sa création, la stratégie « Green IT » de l’entreprise passe aujourd’hui par l’éducation des clients via la mise en œuvre de plans d’accompagnement. Au sein du groupe, la France est précurseur en la matière. Notamment avec son site pilote basé en banlieue parisienne où le groupe est parvenu à réduire de 55 % la consommation d’énergie sur un an. Le fabricant a également publié son premier rapport environnemental (1) en septembre dernier.

Le point sur la politique du groupe avec Dominique Ortoli, responsable des programmes environnementaux pour Lexmark France.

Que recouvre votre fonction?

Dominique Ortoli : Ma démarche va au delà des programmes environnementaux orientés autour d’une optique de développement durable. En tant qu’industriel, Lexmark s’est focalisé sur le développement durable depuis la création de la société en 1991. Son organisation s’appuie sur plusieurs volets au premier lieu desquels le support aux ventes dans le respect des normes internationales. Le client nous interroge d’ailleurs de plus en plus sur les normes des produits ou de sa fabrication. Au delà des normes d’éco-conception auxquelles tous les constructeurs sont contraints, nous visons l’obtention des éco-labels Blue Angel (qui touche à l’émission et la recyclabilité des produits) et Energy Star (qui répond à l’optimisation de la consommation énergétique). Nous garantissons que, lors de leur mise sur le marché, les produits sont en conformité avec ces éco-labels dans leur version du moment, sachant que celles-ci évoluent régulièrement.
Au delà des aspects purement liés à la conformité de la réglementation, notre politique environnementale passe par l’accompagnement de la clientèle dans ses usages des solutions d’impression. Notre programme se base sur les analyses effectuées depuis un an à partir de notre site de Suresnes qui nous sert de vitrine de notre savoir-faire et qui révèle ce qu’on annonce implicitement depuis des années. A savoir que l’impact majeur sur l’environnement se trouve lors de la phase de l’utilisation de l’imprimante. C’est-à-dire la consommation de papier. Laquelle représente 80 % de l’emprunte carbone émise sur la durée de vie d’une imprimante (3 à 5 ans) qui va effectuer environ 8 000 impressions à l’année. L’énergie utilisée représente 8 %, l’encre 6 %. Le reste est constitué par la fabrication, la distribution et la gestion de fin de vie. Ces résultats sont tirés de l’étude par le laboratoire indépendant Bureau Intelligence Services qui travaille notamment avec l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), sur une base de normalisation ISO.
Nous proposons donc d’accompagner nos clients dans l’explication de cet impact environnemental afin de le réduire de leur côté. L’accompagnement est une prestation de service qui s’ajoute à la prestation globale, elle reste optionnelle, naturellement.

Comment s’effectue cet accompagnement?

Nous adoptons une approche par étapes. D’abord en effectuant un audit du parc d’impression pour avoir la photo globale de cette activité. L’audit est réalisé par l’intermédiaire de consultants externes essentiellement sur le mode du sondage des usages au quotidien. Ensuite, nous proposons la rationalisation de ce parc, par exemple en regroupant les processus d’automatisation de l’approvisionnement des consommables, en privilégiant les longues durées, et par la mise en place de bonnes pratiques. A savoir l’impression recto-verso, l’utilisation des fonctions économies d’encre et d’énergie (activées par défaut), la gestion des bacs, etc. Il faut réfléchir au processus métier pour voir comment limiter les impressions. Ce qui passe notamment par la mise en œuvre de solutions de dématérialisation.
A quand remonte cette politique d’approche par accompagnement?
Nous travaillons à l’accompagnement de manière intuitive depuis plusieurs années mais de manière très concrète depuis un an. La démarche d’accompagnement est proposée en amont de la vente mais peut se réaliser après. Il faut bien comprendre qu’à travers une approche globale, c’est l’utilisateur qui reste au cœur de la problématique et, dans ce cadre, la démarche doit être initiée par la direction.

Garantissez-vous les résultats sur l’impact environnemental?

Il peut y avoir un engagement contractuel de réduction sur la durée d’un contrat au même titre qu’on s’engage sur un prix.

Vous préconisez une diminution de l’impression papier mais n’est-ce pas scier la branche sur laquelle Lexmark, et les constructeurs d’imprimantes, sont assis?

La recherche des coûts et le respect de l’environnement ne sont pas incompatibles. On peut concilier les deux. Dans une approche de réduction du nombre de pages imprimées, on gagne en termes de productivité et donc de coût tout en mesurant l’impact sur l’environnement via le volet énergie, encre, papier. Mais la recherche de réduction globale des impressions, notamment du côté des impressions offset externes ou des photocopieurs, ne veut pas forcément dire une baisse d’activité pour les imprimantes en interne. Il s’agit bien d’une approche constructeurs qui nous permet de gagner des clients et de les garder. Par ailleurs, nous travaillons avec l’industrie papetière pour faire comprendre notre discours ce qui nous a permis de dresser des critères dans l’optique du développement durable pour le choix des papiers selon leur qualité ou leur mode de production (papier recyclé, etc.).

Lexmark fournit les marchés des grands comptes comme des PME et du grand public. A quelle typologie d’entreprise s’adressent ces programmes d’accompagnement?

Notre programme est essentiellement tourné vers les grands comptes avec lesquels nous entrons en relation par nos forces de vente directes. La prochaine étape consistera à éduquer nos partenaires de la distribution pour relayer le message. Lequel est également diffusé en parallèle, soit lors d’opération de communication externe, soit depuis notre site web.

Quelles sont vos actions en matière de recyclage?

Pour les consommables, la gestion de fin de vie passe par des opérations de collectes. Soit directement traitées en nom propre pour les clients Lexmark exclusivement, ou bien de manière collective avec d’autres constructeurs dans le cas de consommables de différentes marques. J’en profite pour rappeler que notre programme de collecte individuelle est en place depuis 1994 à travers la distribution d’enveloppes prépayées pour renvoyer les cartouches.

Que deviennent les cartouches collectées?

Pour éviter le refilling arbitraire pratiqué sur le marché, Lexmark a mis une politique de recyclage visant autant que possible la réutilisation de composants dans la fabrication de nouveaux produits. Quand ce n’est pas possible, les consommables sont recyclées à 100 %. Par notre partenaire européen basé en Hollande Sims Recycling Solutions. Concernant les produits résidentiels, nous nous appuyons sur Ecologic dans le cadre des programmes de collecte des collectivités locales. L’ensemble de ces mesures visent à répondre à la directive européenne relative aux traitements des déchets d’équipements électriques et électroniques (dite D3E) appliquée depuis le 13 août 2005.

Où se situe la France par rapport au reste de l’Europe?

La France est pilote dans pas mal de programmes en Europe. D’ailleurs, mon poste n’existe qu’en France pour le moment dans sa glob
alité, que ce soit pour les actions externes de lobbying, ou internes dans la mise en œuvre de nos programmes au sein de Lexmark qui se doit d’être exemplaire. L’Europe est cependant précurseur par rapport aux Etats-Unis mais il y a désormais une vraie prise de conscience là-bas à laquelle l’Europe a d’ailleurs contribuée par la mise en place de ses directives environnementales.

Propos recueillis par Christophe Lagane, eWeekEurope.fr

(1)    Rapport environnemental 2007 (PDF)

Interview publiée initialement sur eWeekEurope.fr