Le protocole SIP, une technologie d’avance

Par Silvère Baudouin, Président de Keyyo Business

En quoi consiste le protocole SIP ?

Il faut savoir que pour transmettre de la voix sur un réseau IP, deux protocoles au moins sont requis : un pour la signalisation, un autre pour la transmission de la voix.

Le SIP acronyme de Session Initiation Protocol se charge de la signalisation. Il permet d’établir, de modifier ou de terminer une session multimédia qui peut être un appel téléphonique entre deux équipements. Des messages sont ainsi envoyés, pour accepter ou refuser un appel, indiquer une occupation, pour l’identifier ou pour choisir un mode de compression (Codec) … Les messages peuvent être beaucoup plus complexes en cas de transfert d’appel, de conférence…Le SIP normalise donc ces messages, leurs envois et leurs réponses.

Le SIP définit également une architecture composée de 3 types d’équipements qui vont dialoguer en SIP :
Des User Agents (ce sont des téléphones, des soft phones, des caméras vidéo… donc des équipements qui peuvent communiquer entre eux).
Des Registrar dont le rôle est de mémoriser l’emplacement (adresse IP) des User Agents. Les User Agents ont la charge de s’identifier à l’aide de leur URI SIP (très similaire à une adresse email. Exemple : sip:33172387701@keyyo.net) et de signaler leur emplacement auprès du Registrar.
Des Proxy SIP qui servent d’intermédiaire entre deux User Agents. Le proxy interroge alors le Registrar pour localiser le destinataire puis relaye les messages entre les User Agents.

Pour comprendre la logique du SIP, il n’est pas inutile de s’intéresser à sa paternité. Il est défini par l’IETF (Internet Engineering Task Force, l’instance internationale en charge des protocoles de l’Internet) et sa philosophie est bien celle de l’Internet. D’ailleurs, le SIP présente de fortes similarités avec le Http (dont il partage par exemple les codes d’erreur). Les messages sont au format texte, il s’appuie sur les protocoles de l’Internet comme http ou SSL pour l’authentification, SSL, PGP, S/MIME pour le cryptage ou DNS SRV pour le partage de charge.

Le SIP peut être assez déroutant lorsque l’on vient du monde de la téléphonie, car il se veut ouvert, simple et versatile et dépasse largement le cadre de la téléphonie. Son but est d’établir une session entre deux équipements (cette session pouvant transporter de la voix, de la vidéo, de la messagerie instantanée, de la réalité virtuelle…). Le SIP s’est ensuite enrichi pour pouvoir traiter les problèmes spécifiques de la téléphonie en ayant parfois recours à des artifices.

Quelles ont été les évolutions depuis le protocole H.323 et MGCP ?

Plus ancien que le SIP le protocole de signalisation H323 est développé par l’ITU (International Telecommunication Union). Le H323 est issu des protocoles traditionnels (ISUP, ISDN) qui au cours des décennies n’ont cessé de se développer et de s’améliorer. Conçu pour être robuste et inter opérable il est parfaitement adapté à la téléphonie et à sa transition sur l’IP cependant, à la différence du SIP, il intègre moins d’informations et ne permet pas d’exploiter totalement la richesse de l’IP au travers de la convergence applicative.

Le MGCP part d’une vision centralisée en mode client/serveur avec des équipements terminaux relativement simples et passifs, pilotés par des serveurs centraux. C’est par exemple le choix de certains FAI pour leurs « Box » de VoIP. Choix compréhensible s’agissant de réseaux propriétaires et de services standardisés mais qui ne reflète pas l’ouverture inhérente au protocole internet.

Comment le marché de la voix sur IP a-t-il évolué depuis quelques années ?

Après le déploiement massif de l’internet à la fin des années 90, le marché de la VoIP est devenu beaucoup plus accessible. La multiplication des acteurs et des solutions a permis d’entraîner des économies d’échelle substantielles et les offres sont aujourd’hui très abordables. Le rapprochement des deux mondes que sont l’informatique et les télécoms a permis d’envisager et de créer une multitude de fonctionnalités. L’IP convergence génère un potentiel d’applicatifs infinis puisque la voix et la data passent désormais par des tuyaux identiques.

La démocratisation des offres de VoIP pour les particuliers a permis également d’évangéliser et d’éduquer le marché. En effet, la conception très aboutie des offres s’est inscrite dans une démarche de qualité, souvent supérieure à celle de la téléphonie classique, ce qui a évidemment contribué à rassurer les utilisateurs.

On constate finalement que le marché a évolué de façon classique. La pénétration s’est d’abord faite via les grands comptes professionnels, ensuite au travers du grand public et enfin des opérateurs qui se tournent désormais vers le marché des PME et des TPE.

Pourquoi, contrairement à beaucoup d’opérateurs télécoms, Keyyo est l’un des premiers acteurs du marché à choisir le protocole SIP dès 2005 ?

La VoIP correspond à une véritable transformation des télécommunications. On ne parle plus de ligne téléphonique mais de compte lié à un identifiant (comme une adresse mail) auquel on ajoute des services comme la téléphonie, la visioconférence, la messagerie…). Tout cela indépendamment du réseau d’accès (IP), de la localisation ou du type de terminal. Les plates-formes de services peuvent être localisées n’importe où (réparties ou centralisées) le transport et le routage étant de la responsabilité exclusive du réseau (TCP/IP).

On mesure l’évolution au regard d’un réseau de téléphonie classique transportant la voix de d’autocommutateur en autocommutateur, ces derniers devant chacun d’eux disposer d’informations de routage (tranches de numéros) et de service.

Face à ce bouleversement, il nous est apparu clairement que le SIP de part sa philosophie et sa génétique (issu du monde IP) tirerait naturellement le meilleur parti de ce changement de paradigme. En d’autres termes, les qualificatifs du H323, robustesse, exhaustivité, ne nous paraissaient pas, sur le long terme, de nature à rivaliser avec ceux du SIP, simplicité, ouverture, évolutivité, modularité !

Quel est l’avenir du SIP ? Un autre protocole est-il en discussion ?

Le SIP évolue, de nouvelles extensions sont régulièrement disponibles (par exemple la RFC 5263 pour gérer la présence). Il n’est pas impossible que le SIP devienne rapidement l’unique protocole de VoIP disponible sur les terminaux, car on ne lui voit plus aujourd’hui de réel concurrent. Les raisons qui ont fait du TCP/IP le protocole de communication par excellence, pourraient faire du SIP le grand vainqueur du monde de la téléphonie sur IP.

A titre d’exemple, Microsoft a choisi le SIP pour ses produits de communication d’entreprise (Office Communication Server). Alcatel fait de même sur ses PABX, France Télécom sur ses Livebox et Google, qui sur la version bêta de Google Talk utilise un protocole de messagerie instantanée (XMPP/Jabber), annonce se préparer à supporter le SIP. Il semble donc que le marché ait fait son choix en balayant toutes les controverses d’experts.

Toutefois, on ne peut ignorer le protocole propriétaire utilisé par Skype. Il présente une innovation majeure, les informations concernant les utilisateurs, listes d’amis, préférences sont réparties sur de très nombreux serveurs selon un mode peer to peer. Il y aurait beaucoup à dire sur l’intérêt d’appliquer un principe de P2P à la téléphonie en termes d’av
antage, de robustesse et de confidentialité. Toutefois, dans un monde de réseaux ouverts, normés et documentés, le protocole de Skype s’apparente à un continent fermé face à la montée des eaux.

Mais le SIP n’est pas le protocole ultime, d’autres sont à l’étude, l’un des plus prometteurs étant l’AMS (Advanced Multimedia System). L’AMS a une ambition plus vaste, il vise à définir une architecture technique permettant par exemple, des partages d’applications ou l’adaptation du contenu aux terminaux. Il utilisera probablement le très versatile XML comme protocole de signalisation.
Partageant une grande part de la philosophie du SIP, on pourrait le considérer comme son successeur légitime. Keyyo s’est d’ailleurs largement inspiré des travaux sur l’AMS pour la répartition de ses serveurs de services et la mise en place de leur redondance. Promu par l’ITU, ce protocole ne sera pas normalisé avant plusieurs années.

Des acteurs comme Skype ou Dooper, qui permettent aussi de passer des appels sur Internet, sont-ils intéressants pour une entreprise ?

Une entreprise doit étudier toutes les offres du marché et choisir celle qui répond précisément à sa demande. Une solution comme Skype par exemple apparaît comme un service ponctuel sur laquelle elle peut se reposer de manière occasionnelle. Le principe est intelligent mais peut être inadapté dans le cadre d’un schéma classique où l’entreprise a besoin de s’appuyer sur un standard téléphonique avec des numéros d’appels et une gestion des appels entrants et sortants que ce type d’opérateurs ne propose pas.