IBM va à l’école

Plus nos vies dépendent de la technologie, moins il semble y avoir d’étudiants intéressés à suivre les disciplines scientifiques, dans l’ingénierie et les mathématiques susceptibles de les préparer à des carrières dans l’industrie IT.

Pour aggraver les choses, une grande partie des salariés actuels, « baby-boomers» nés entre 1946 et 1964, approchent singulièrement de l’âge de la retraite.

Et si cela ne suffisait pas, explique Kevin Faughnan, le directeur de « l’IBM Academic Initiative », les employeurs ont moins de ressources pour financer des programmes de formation afin d’enseigner ou d’aiguiser les compétences IT des salariés, tant est intense la pression qui pèse sur les entreprises pour faire toujours plus avec toujours moins.

Cette convergence de faits est en train de créer une « tempête parfaite», un trou noir qui fait dire à Faughnan et à beaucoup d’autres analystes de l’industrie qu’il y a de quoi s’inquiéter de ne pas trouver suffisamment de talents dans le futur pour combler les emplois qualifiés proposés dans l’univers IT.

Ce n’est pas une nouvelle inquiétude, c’est certain. Depuis des années, les fournisseurs et les entreprises du channel se plaignent qu’ils peuvent trouver les demandeurs d’emploi avec un niveau de compétences adapté à leurs besoins.

A contrario, bien évidemment, certains candidats se plaignent que les employeurs ont des attentes irréalistes du dit niveau de compétences, surtout en comparaison avec le niveau de salaires qu’ils sont prêts à payer !
En dépit du bien fondé de ces plaintes, on peut constater un réel problème. Si les employés ne peuvent pas trouver un job adapté à leurs compétences c’est qu’il y a un échec quelque part dans le système. Et l’échec a quelque chose à voir avec l’éducation.

L’industrie dans son ensemble a fait bien peu pour régler le problème de l’insuffisance de l’éducation vis-à-vis des emplois proposés. Parfois, l’industrie semble trop impatiente de résoudre les pénuries ponctuelles de compétences, en recourant essentiellement à l’importation de talents venant d’ailleurs, une pratique qui renvoie de plus à une partie des travailleurs américains un sentiment de frustration. Ainsi IBM, Microsoft et Oracle sont de ces entreprises qui emploient des travailleurs temporaires baptisés « H-1B visas », en référence au document qu’il aura fallu à ces derniers pour exercer sur le sol américain.

Mais IBM, affirme Faughnan, ne s’est pas tourné les pouces à attendre que le problème se résolve de lui-même. Selon lui, Big Blue reconnaît qu’il ne peut survivre en tant qu’entreprise de haute technologie que s’il est en situation d’attirer les talents nécessaires.

C’est dans ce but, que la firme a parrainé depuis 2004 un programme volontariste, appelé « Initiative académique », en vue de promouvoir les carrières dans l’informatique non seulement au sein de l’enseignement supérieur, mais aussi parmi des élèves encore au collège. Le fabricant travaille ainsi avec des écoles telles que la Highland Park High School à Dallas, la North Carolina State University, le Rochester Institute of Technology et la Pace University, à donner aux étudiants l’accès au matériel, aux logiciels et au savoir-faire du business qu’ils peuvent utiliser pour développer des compétences propres à les orienter in fine vers des carrières dans le monde IT.

Grâce à cette Initiative académique, les étudiants ne sont pas seulement introduits et encouragé à amplifier leurs compétences en technologie. Ils sont également mis au défi de démontrer ce qu’ils ont appris. Par exemple, à Dartmouth College dans le New Hampshire, deux étudiants ont reçu des instructions d’IBM sur la création de réseaux sociaux via un outil grâce auquel ils ont interrogé leurs camarades sur les primaires de parti Démocrate. Le résultat s’appelle Open-vote.com et est accessible via Facebook.

IBM a ainsi mis dans les mains des étudiants des éléments de stratégie tant d’un point de vue technologique que d’un point de vue « business ». Faughnan indique que l’objectif de l’Initiative académique n’est pas de développer des compétences brutes en matière de haute technologie, mais aussi de créer ce qu’il appelle la forme « T » des étudiants qui possèderont ainsi un sens général des affaires et de l’industrie, ainsi que des connaissances techniques spécifiques.

« Quelques 4000 employés bénévoles d’IBM ont travaillé » de concert avec les enseignants afin d’ajouter des programmes axés sur leurs programmes d’études », ajoute Faughnan.

En Juin dernier, IBM a publié un ensemble d’outils sur le Web et des ressources pour aider les élèves à aiguiser les compétences dont ils ont besoin pour les emplois IT. Accessibles depuis le site Web créé pour l’Initiative Académique, les outils fournis incluent des didacticiels, des jeux, des bilans de compétences et des forums en ligne qui s’ajoutent, ou complétent autant que faire se peu, les cours distillés au collège et à l’université.

Faughnan note que les Etats-Unis auront besoin de quelques 10 millions d’étudiants de premier cycle en science, en génie et en mathématiques d’ici 2012. Dans le lot, les femmes et les minorités sont particulièrement attendus, eux dont les niveaux d’inscriptions dans ces disciplines s’avèrent bien trop faibles.

Si IBM prend donc sa part de l’effort à entreprendre, Faughnan affirme que d’autres acteurs majeures dans l’industrie doivent suivre les pas de Big Blue. C’est à ce prix que aurons demain une main-d’œuvre bien formée et adaptée aux besoins de l’industrie IT.

La question qu’IBM pose via cette initiative transcende l’industrie. Le chroniqueur du New York Times David Brooks attribue le niveau croissant de compétence de notre main-d’œuvre de plus en plus de compétences, en décalage avec le niveau de scolarité ahurissant de nos enfants au cours des trois dernières décennies. « Cette solution au problème est à évolution lente, mais plus que tout autre elle est de nature à façonner le destin de la nation », a conclu Faughnan.